Il y a cinquante ans sortait la première console de jeu vidéo : l’Odyssey, de Magnavox

Il y a cinquante ans sortait la première console de jeu vidéo : l’Odyssey, de Magnavox


L’ancêtre de la Switch, des Xbox ou des PlayStation souffle ses cinquante bougies. L’Odyssey de l’américain Magnavox, la première console à être commercialisée, fut lancée entre la mi-août et la mi-septembre 1972. Il s’agit du premier appareil électronique à faire entrer le jeu vidéo dans les foyers. Seule une clientèle aisée pouvait toutefois se l’offrir : elle était vendue au prix de 100 dollars (l’équivalent d’environ 720 euros d’aujourd’hui). Elle s’est ainsi écoulée à environ 350 000 exemplaires, selon le Musée national d’histoire américaine.

Aujourd’hui encore méconnue, L’Odyssey marque une étape charnière dans l’histoire de l’industrie vidéoludique : celui du début de la commercialisation du jeu vidéo et des prémices de sa démocratisation. En effet, entre les années 1950 et 1970, il n’était accessible qu’à un public restreint, sur des ordinateurs qui appartenaient généralement à des universités, des bases militaires ou de grandes entreprises. A partir des années 1970, les premières bornes d’arcade apparaissent mais sont encore produites en petites quantités.

En plus d’être avant-gardiste sur le secteur des consoles, celle qui emprunte son nom au poème d’Homère (et probablement au film 2001, L’Odyssée de l’Espace, de Stanley Kubrick) est également la source d’inspiration du premier grand succès vidéoludique : le jeu Pong, sur une borne d’arcade Atari, un pionnier américain du domaine.

Commercialisé quelques semaines après l’Odyssey, Pong consiste à manier une barre blanche sur un écran noir pour renvoyer une balle, figurée par un carré. Ce principe ressemble énormément à celui du jeu de tennis de la première console. Rien d’étonnant à cela : des procès intentés à partir de 1974 par Magnavox contre Atari permettent d’établir que Nolan Bushnell, le cocréateur d’Atari, a plagié l’Odyssey après à une démonstration en avant-première. Magnavox lança ainsi l’un des premiers feuilletons judiciaires de la toute jeune industrie vidéoludique.

Même s’il semble aujourd’hui primitif, cet appareil était « futuriste » il y a cinquante ans.

Un concepteur avant-gardiste

La marque spécialiste des postes de télévision et des équipements hi-fi est encore indissociable de l’Odyssey. Mais derrière le fabriquant Magnavox, alors basé dans l’Indiana, un homme joue un rôle capital dans l’invention de l’appareil : Ralph Baer. Cet ingénieur américain d’origine allemande l’imagine entre 1966 et 1969, lorsqu’il travaille pour l’entreprise d’électronique militaire Sanders. Il fabrique différents prototypes, dont l’un des derniers datant de 1968 est baptisé « Brown Box ». Magnavox en fait ensuite l’acquisition pour développer l’Odyssey.

Malgré sa parenté évidente avec les machines actuelles de Microsoft, Sony ou Nintendo, celle qui faillit s’appeler Skill-O-Vision se révèle singulière. Ses manettes en forme de briques sont dotées de trois molettes sur les côtés, pour gérer les déplacements. Elle fonctionne grâce à des piles, comme un jouet. Ses fines cartouches numérotées ne servent pas non plus à stocker les programmes, intégrés au préalable sur la console, mais à indiquer à l’appareil lequel lancer.

La boîte de l’Odyssey inclue aussi beaucoup d’accessoires : des cartes, des dés, des jetons, des compteurs de points pour marquer les scores ou des calques à afficher sur l’écran pour figurer des décors. Ces derniers permettent de compenser une puissance très limitée qui permet juste d’afficher quelques pixels blancs. Mais la console est incapable de produire des effets sonores.

Lire aussi : Mort de Ralph Baer, inventeur de la première console de jeu vidéo

Deux ans après sa sortie, Ralph Baer et Magnavox déposent le premier brevet exploité portant sur le jeu vidéo sur téléviseur à tube cathodique. Ce titre de propriété intellectuelle devient incontournable dans le secteur : durant près de deux décennies, les fabricants de consoles de salon se retrouvent attaqués en justice par les créateurs de l’Odyssey pour violation de brevet. Les procès se soldent tous par des victoires de Magnavox ou des accords à l’amiable. Ces accords financiers auraient rapporté près de 100 millions de dollars à Magnavox, selon le New York Times. Généralement signés dans la plus grande discrétion, ils ont contribué à maintenir Ralph Baer dans l’ombre durant une trentaine d’années – ce n’est qu’à partir du début des années 2000 (jusqu’à sa mort, en 2014), qu’il revendique publiquement le titre de « père du jeu vidéo ».

En 1972, Magnavox n’utilisait ni les termes de « console » ni de « jeu vidéo » mais ceux de « simulateur de jeu électronique ».

Une époque où le jeu vidéo était confidentiel

Quelle est la date précise de la sortie de l’Odyssey ? Le mystère demeure, faute d’archives explicites. Seules ses premières apparitions à la télévision ou sur des publicités dans les journaux américains permettent de dater son lancement à la fin de l’été 1972.

Une émission diffusée le 16 octobre 1972, mais enregistrée fin août, nous permet de comprendre à quel point le concept de jeu vidéo est nouveau pour le public, à cette époque. Manette en main, un animateur et un cadre de l’entreprise font une partie de tennis. Des célébrités leur font face. Elles n’aperçoivent que le dos du poste de télévision et ont pour mission de deviner à quoi s’activent les joueurs devant eux.

Les invités hésitent, haussent les sourcils et multiplient les questions : « Est-ce que vous faites bouger quelque chose sur l’image ? », « Est-ce qu’il y a un dessin animé à l’écran qui s’anime en même temps que je parle ? »… Personne n’est capable de deviner le principe de l’appareil. Rien ne laisse alors présager que, cinquante ans plus tard, le jeu vidéo allait devenir une industrie dont le chiffre d’affaires global est estimé à environ 180 milliards d’euros pour l’année 2021, selon le cabinet spécialisé Newzoo.

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