« Je me lève et je vois une vidéo de moi nue sur Snapchat »

« Je me lève et je vois une vidéo de moi nue sur Snapchat »


Elles s’appellent Marion, Laura, Anne-Cécile, Sara, Sandrine, Alice, Nora, Manon… Elles ont entre 13 et 65 ans, sont de toutes origines et de tous milieux sociaux. Elles sont collégiennes, streameuses, militantes, vidéastes, lycéennes, étudiantes, cheffes d’entreprise, salariées, mères au foyer ou retraitées. Et elles sont des milliers à subir quotidiennement des violences sexistes et sexuelles en ligne, qu’elles soient connectées ou pas, qu’elles « s’exposent » en ligne ou non.

Leurs visages sont collés sur des corps d’actrices porno, leurs nudes (photos dénudées) ou vidéos intimes sont publiés sur les réseaux, agrémentés de propos dégradants et à caractère sexuel. Elles sont menacées de mort, de viol, insultées. On les incite à se suicider. On les fait chanter, on les attend devant chez elles, sur leur lieu de travail ; elles reçoivent des appels la nuit. Parfois, elles doivent déménager, arrêter de travailler. Certaines tentent de mettre fin à leurs jours. D’autres vivent en sursis, redoutant la prochaine vague.

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Des agressions où la frontière entre monde virtuel et physique s’efface, dans un continuum de violences qui les submerge, parfois les anéantit. Des attaques cyber multiformes, nommées par des termes anglo-saxons (slut-shaming, doxing, revenge porn, sextorsion, flaming, deepfake) révélant des pratiques différentes, qui peuvent se cumuler, et qui ont toutes le même but : faire taire, humilier et détruire la vie de femmes grâce aux outils numériques.

Prise au piège

Selon les chiffres de l’association StopFisha, 73 % des femmes ont déjà été victimes de violences sexistes ou sexuelles en ligne, et les femmes sont vingt-sept fois plus susceptibles d’être cyberharcelées que les hommes. Une étude du Centre Hubertine-Auclert datant de 2018 montre qu’une femme sur trois a été menacée par son partenaire ou son ex de voir diffuser des photos ou des vidéos intimes, dont certaines ont été obtenues par la force, la menace ou à leur insu.

Cette histoire affreusement banale pourrait presque tout résumer. Le matin où tout a basculé pour Laura Pereira Diogo, elle avait 17 ans. « Je me lève et je vois une vidéo de moi nue dans une story sur Snapchat. » La panique. Son copain, avec qui elle faisait régulièrement des FaceTime, l’a enregistrée et a balancé la séquence quelques jours après la rentrée en terminale. Il l’efface rapidement, mais le mal est fait, d’autres garçons ont fait des captures d’écran et l’ont repartagée.

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« Ça a tourné dans toute la ville. J’avais la hantise que mes parents ou mes petits frères l’apprennent. » Laura contacte le service de sa ville spécialisé dans le numérique pour trouver de l’aide et faire supprimer les vidéos. « Ils ne savaient même pas ce qu’était une story, ils m’ont dit qu’on ne pouvait rien faire. » Elle croit, à tort, qu’elle ne peut pas porter plainte sans ses parents puisqu’elle est mineure. Isolée, prise au piège, elle finit par tenter un coup de bluff avec le fameux copain à l’origine de la vidéo : « Tu pars sur une carrière de basketteur, si tu ne fais pas en sorte que ce soit supprimé partout, je vais voir les flics et tu dis adieu à ton avenir. » Le jeune homme s’exécutera tant bien que mal.

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