Une étape franchie sur un parcours long et sinueux. La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé, mercredi 18 octobre, le lancement de la phase « préparatoire » de son projet d’euro numérique… dont l’aboutissement reste incertain. Après la phase d’« enquête », ouverte en octobre 2021, l’institution de Francfort ouvrira donc cette phase qui consistera, au cours des deux années à venir, à parachever l’élaboration de règles de fonctionnement, à sélectionner des prestataires capables de fournir les infrastructures techniques nécessaires, et à procéder à des expérimentations.
Le tout au conditionnel puisque la décision finale de créer ou non cette nouvelle forme de la monnaie unique ne sera prise qu’après octobre 2025 par le Conseil des gouverneurs, à condition que les modifications législatives nécessaires aient été adoptées par les institutions de l’Union européenne. Et ce feu vert ne signifierait pas l’apparition immédiate de l’euro numérique, qui nécessiterait sans doute encore plusieurs années.
Si l’horizon reste lointain, la BCE s’efforce néanmoins de préciser à quoi ressemblerait l’euro numérique s’il finissait par être mis à la disposition des 347 millions de personnes qui effectuent chaque jour des paiements dans les vingt pays de la zone euro : cette forme numérique des espèces pourrait être utilisée entre particuliers, dans des points de vente physiques comme en ligne et pour des transactions avec les administrations publiques. Le tout gratuitement et sans que les utilisateurs soient contraints d’utiliser un smartphone : les paiements pourraient être effectués avec une carte à puce ou un autre support non connecté. Et les euros numériques seraient à tout moment échangeables contre des espèces, notamment aux distributeurs de billets.
Réticence des utilisateurs et des banques
Consciente que le projet suscite des inquiétudes légitimes quant à la confidentialité des données, la BCE insiste sur le fait qu’elle n’aurait jamais accès aux données de paiement des utilisateurs, que les prestataires seraient soumis à toutes les règles existantes en la matière et que l’euro numérique ne serait pas une monnaie « programmable », c’est-à-dire que les autorités monétaires ne pourraient en aucun cas poser des conditions à son utilisation ou restreindre son usage à certains paiements. Une possibilité qui n’a jamais été évoquée par l’institution, mais qui continue de nourrir certaines des nombreuses théories du complot apparues depuis le lancement du projet.
Vaincre les soupçons des utilisateurs finaux potentiels reste l’une des clés de la réussite du projet. Mais pour l’institution présidée par Christine Lagarde, l’enjeu principal est celui de la souveraineté : même si Facebook a renoncé à son projet de monnaie virtuelle (Libra-Diem), même si les cryptoactifs comme le bitcoin tardent à acquérir un statut de moyen de paiement, la BCE n’entend pas abandonner le développement de nouveaux moyens de paiement dématérialisés et de futures infrastructures de paiements à des acteurs privés, a fortiori à des groupes extérieurs à la zone euro, qu’ils s’appellent Visa, MasterCard, Apple, Google ou Samsung.
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