« La consommation énergétique annuelle du Bitcoin, équivalente à celle de la Suisse, pourrait être divisée par mille »

« La consommation énergétique annuelle du Bitcoin, équivalente à celle de la Suisse, pourrait être divisée par mille »


Jean-Paul Delahaye est professeur émérite de l’université de Lille, spécialiste d’informatique théorique et de la complexité des algorithmes. Il vient d’écrire Au-delà du bitcoin. Dans l’univers de la blockchain et des cryptomonnaies (Dunod, 270 pages, 19,90 euros), un livre pédagogique, mais aussi engagé, sur les forces et les faiblesses des cryptomonnaies, ainsi que sur leur avenir.

Pourquoi un mathématicien tel que vous s’intéresse-t-il aux cryptomonnaies ?

En 2008, Satoshi Nakamoto, dont on ignore toujours qui se cache derrière ce nom, a proposé un protocole, le Bitcoin, qui crée une monnaie indépendante de toute autorité centrale, dont le fonctionnement repose sur un contrôle collectif, le tout étant robuste et sûr. L’idée-clé est celle de la blockchain, une sorte de livre de comptes enregistrant les transactions sans possibilité d’effacer des pages, qui est partagé dans tout le réseau. C’est une invention géniale. Avant lui, d’autres avaient essayé de développer des monnaies électroniques, mais sans succès. Ce qui est neuf et révolutionnaire est la mise au point d’un protocole qui assemble des fonctions déjà connues, mais d’une façon inattendue, et que personne n’avait imaginée.

Ce protocole a, de plus, bénéficié de plusieurs avancées pour se lancer en 2009. Le chiffrement, essentiel au fonctionnement, était assez mûr, comme le montre le succès des transactions bancaires sur Internet. De même, les réseaux pair à pair ou distribués fonctionnaient depuis plusieurs années sans problème. Enfin, comme le système repose sur le partage d’un gros fichier d’environ 500 Go, il fallait que les ordinateurs aient assez de mémoire et de capacité de calcul.

Pourtant, vous prévoyez l’échec de Bitcoin, que vous qualifiez de « diplodocus », de « Minitel des cryptomonnaies », à « ranger dans un musée de l’informatique ». Pourquoi ?

Le problème principal du protocole réside dans la manière dont sont désignés les validateurs des nouvelles pages de transactions à enregistrer dans la blockchain. Avec Bitcoin, le validateur choisi est celui qui remporte un concours de calcul équivalant à proposer une sorte de grille de Sudoku valide de plus en plus grande, ou sortir un sextuple six avec six dés… En pratique, le calcul est lié à un problème cryptographique difficile. La conséquence est qu’il y a une compétition, de plus en plus dure et de plus en plus coûteuse en énergie. Au départ, la dépense énergétique était faible, puis elle a décuplé environ tous les ans pour représenter, selon les estimations, l’équivalent de la consommation annuelle de la Suisse ou de la Suède, de l’ordre de 100 térawattheures ! Or c’est une dépense inutile, car on peut se passer de ce type de méthode. C’est pour cela que je parle de bug, d’erreur pour Bitcoin, qui aurait pu être mieux conçu dès le départ.

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