Les récentes percées montrent à quel point la technologie évolue rapidement.
L’informatique quantique n’est plus un concept futuriste. Le monde est entré dans la décennie quantique, une ère où les entreprises commencent à percevoir la valeur commerciale de l’informatique quantique. Les progrès sans précédent réalisés cette année en matière de matériel, de développement de logiciels et de services confirment la dynamique de la technologie, créant un écosystème qui ouvre la voie à de nouvelles percées et contribue à préparer le marché à l’adoption de cette technologie révolutionnaire. En France notamment, le plan national pour le calcul quantique se met en place suite à son annonce par le président de la République en janvier 2021.
Le suivi des progrès de l’informatique quantique au fil des ans peut donner l’impression d’entendre les mêmes promesses que précédemment. Toutefois, si l’on examine de près les progrès réalisés par cette technologie simplement au cours de l’année écoulée, on commence à comprendre pourquoi il est logique que différents secteurs se préparent au jour où l’informatique quantique pourra les aider à résoudre des problèmes – tels que la découverte de nouveaux matériaux et composés chimiques, quel que soit le domaine, des médicaments aux batteries – qui seront toujours hors de portée de l’informatique classique. En parallèle, il est également logique que les entreprises et les gouvernements se préparent aux risques potentiels que présente cette technologie.
L’innovation ne peut à elle seule libérer tout le potentiel de l’informatique quantique. Les chefs d’entreprise et les responsables technologiques doivent franchir le pas dès maintenant, au risque sinon d’être laissés pour compte.
Les percées récentes
Après plusieurs décennies de recherche et de progrès technologiques, les avancées les plus récentes nous permettent de planifier la construction d’ordinateurs possédant plus de 100 000 qubits communiquant entre eux de manière quantique et classique. Notamment les progrès réalisés depuis seulement deux ans, en ligne avec les espérances, permettent de conforter notre vision sur les années à venir et en particulier l’horizon de 2025 montre l’avènement d’une informatique quantique évolutive, pratique et « accessible à tous ».
Commençons par le commencement. On n’atteint pas 1 000 qubits sans d’abord atteindre 100 qubits. C’est une étape qui a déjà été franchie dans le domaine des technologies à base de supra conducteurs. Les ordinateurs classiques peuvent, dans une certaine mesure, simuler les résultats similaires à ceux des circuits quantiques, mais chaque qubit supplémentaire double la complexité de cette tâche. Avec plus de 100 qubits, les processeurs quantiques nous poussent au-delà d’un territoire accessible aux ordinateurs classiques. D’ici 2025, il s’agira non seulement d’augmenter le nombre de qubits sur des processeurs individuels, mais aussi de connecter les processeurs entre eux, pour créer des systèmes de plusieurs milliers de qubits, voire des dizaines de milliers dans les années à venir.
Bien entendu, on ne peut pas accéder à une informatique quantique pratique sans une plateforme puissante, mais flexible, capable d’exécuter des algorithmes quantiques de plus en plus sophistiqués. Pour cela, les architectures matérielles ainsi que les systèmes d’électroniques de contrôle doivent être repensés pour une plus grande modularité. De même, les nouveaux systèmes cryogéniques et les câblages de haute densité permettront de construire une nouvelle génération d’ordinateurs, nous rapprochant d’un véritable datacenter quantique.
Un écosystème se met en place
Alors que l’informatique quantique, dont le défi est trop grand pour une seule entité, passe du laboratoire au monde réel, des écosystèmes se forment pour soutenir l’innovation collaborative et le développement open source. Ces écosystèmes comprennent probablement un partenaire technologique en informatique quantique, des développeurs en informatique quantique et des partenaires universitaires.
Les communautés de développeurs – non seulement des développeurs traditionnels, mais également des chimistes, des ingénieurs et des mathématiciens – se forment pour appliquer les concepts quantiques aujourd’hui tout en se préparant pour demain.
Par exemple, une communauté s’est formée autour de l’environnement de développement logiciel open source Qiskit, afin de créer les outils de développement de code et les bibliothèques nécessaires aux développeurs quantiques. Cette communauté permet également à des milliers d’étudiants en calcul quantique de développer leurs compétences.
En particulier, cet environnement logiciel s’est doté depuis le mois de mai 2021 d’un service appelé Qiskit Runtime qui fournit une accélération allant jusqu’à 120 fois à certains algorithmes quantiques, permettant ainsi aux développeurs de résoudre en une seule journée certaines tâches qui auraient pris des mois auparavant. La pratique du calcul quantique évolue aussi à l’aide de primitives de plus en plus abstraites qui sont des programmes préconçus permettant aux développeurs d’algorithmes d’accéder facilement aux résultats des calculs quantiques sans avoir besoin d’une compréhension complète du matériel.
Construire un monde quantique sûr
La collaboration est également essentielle pour garantir la protection des organisations contre les futures capacités des ordinateurs quantiques tolérants aux erreurs qui pourraient « casser » les technologies de chiffrement standard actuelles. Nous constatons que les secteurs public et privé s’unissent pour garantir une approche de la cybersécurité fondée sur la « cryptographie résistante aux ordinateurs quantiques », comme en témoigne l’annonce par le National Institute of Standards and Technology (NIST) des Etats-Unis, reconnu mondialement, de la normalisation des algorithmes d’ici 2024. Mais même lorsque les normes de cryptographie résistante aux ordinateurs quantiques seront en place, les organisations devront agir rapidement pour passer à un avenir sûr et protégé des potentielles attaques quantiques. Le monde prend de plus en plus conscience de l’urgence de cette transformation, comme le montre le récent accord du G7 pour coopérer sur les nouvelles normes de cryptographie résistante aux algorithmes quantiques.
Former les développeurs quantiques du futur
Nous estimons qu’il n’y a qu’environ 3 000 professionnels dans le domaine du calcul quantique qualifiés sur le marché mondial aujourd’hui. Cette base doit être largement augmentée pour exploiter pleinement le potentiel de la technologie quantique au cours de cette décennie et au-delà.
Pour que cela se produise, l’industrie doit impliquer les équipes de développement informatique et les étudiants qui permettent aux compétences en informatique quantique de se développer. Cela passe notamment par la certification des développeurs quantiques, ainsi que par des programmes éducatifs de type « bootcamp » et des investissements dans les programmes d’études universitaires favorisant la diversité des ressources.
Ces programmes pratiques fournissent l’accès et les outils nécessaires pour créer et exécuter des algorithmes d’informatique quantique sur du matériel informatique quantique réel ou sur des simulateurs.
Pour garder une longueur d’avance sur les risques liés à l’informatique quantique, la première étape pour garantir aux organisations un avenir sûr sur le plan quantique est la formation : comprendre la cryptographie résistante aux ordinateurs quantiques et ses implications. Il est essentiel de développer les compétences dans ce domaine.
Aller de l’avant
Au cours de l’année dernière, nous avons vu certains cas d’usage où les entreprises ont pu mettre l’informatique quantique à profit. BP a intégré l’informatique quantique dans son flux de travail pour explorer la réduction des émissions de carbone, tandis que Goldman Sachs a pu mettre en œuvre des algorithmes qui explorent des modèles de tarification sophistiqués.
D’autres entreprises rejoignent cette démarche comme HSBC ou E.ON qui accélèrent leur adoption du calcul quantique au travers d’une approche structurée.
Que nous réserve le futur proche ? Il ne fait aucun doute qu’il y aura de nouvelles percées en matière de matériel et de logiciels. Il y a tout simplement trop de matière grise et de dynamisme dans le secteur, sans parler des institutions de recherche scientifique, pour que la technologie ne progresse pas davantage.
Mais ce qui est passionnant, c’est ce qu’on ne sait pas encore. Comment les gouvernements mettront-ils en œuvre l’informatique quantique dans le cadre de leurs stratégies de croissance économique ? Quels nouveaux cas d’usage les chercheurs découvriront-ils et mettront-ils en œuvre ? Car, ne vous y trompez pas, l’informatique quantique est un tout nouveau paradigme, et personne ne peut appréhender tout ce qu’elle peut faire.
Ce que nous savons, c’est que de ce point de vue, la fin de la décennie ne ressemblera en rien à son début. Nous travaillerons avec des processeurs quantiques comportant des milliers de qubits ; nous disposerons de professionnels ayant acquis des années d’expérience dans le domaine quantique et les entreprises auront vu les bénéfices de cette technologie. Tout leader technologique qui n’intègre pas activement l’ordinateur quantique dans ses plans risque d’être distancé.
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