La mort d’Akira Toriyama, l’autodidacte qui voulait juste dessiner ce qui lui plaisait

La mort d’Akira Toriyama, l’autodidacte qui voulait juste dessiner ce qui lui plaisait


Dans l’univers de Dragon Ball, manga pilier de la culture populaire mondiale des années 1980 à nos jours, le personnage du dieu-dragon Shenron est capable d’exaucer quasiment tous les vœux, y compris de rendre la vie aux défunts. Mais il ne peut ressusciter ceux qui l’ont créé. Akira Toriyama, le prolixe mangaka qui lui a donné naissance, est mort le 1er mars 2024 à 68 ans, ont annoncé vendredi 8 mars sa maison d’édition et son studio.

Le dragon-djinn à la silhouette ondulée aura été, de 1984 à 1995, dates de publication initiales de la série phare, l’un des masques d’un auteur qui fuyait les apparitions en public. Ce dieu omnipotent, c’était la projection de son propre plaisir de démiurge, lui l’auteur qui ne prenait jamais autant de plaisir qu’à improviser de nouvelles tournures de scénario ou prendre à contre-pied les lecteurs, quitte à faire mourir leurs personnages préférés.

Mais M. Toriyama les aimait tous, ses héros, et glissait un peu de lui à travers chacun d’entre eux. Il était Son Goku, personnage naïf à l’obstination sans limite. Il était Yamcha, jouisseur solitaire épris de motos et de liberté. Et il était aussi Kamé Sennin (dit Tortue géniale), ce libidineux voyeuriste et reclus, au respect des femmes discutable (dans son univers très masculin, Toriyama ira jusqu’à littéralement oublier l’existence de l’une de ses rares héroïnes en plein arc narratif).

Un imaginaire venu de Disney et « Astro Boy »

Le mangaka star avait d’autres combats : dénoncer les promoteurs immobiliers cannibalisateurs de terres. En pleine bulle financière du début des années 1990, ils lui avaient inspiré l’un de ses plus cruels et iconiques antagonistes, l’empereur extraterrestre Freezer (« congélateur » en anglais). Il aimait valoriser les personnages terriens, ruraux, comme lui.

Akira Toriyama est né en 1955 à Nagoya, dans les montagnes du centre du Japon, au sein d’une famille conservatrice. Elevé entouré d’une centaine d’animaux de compagnie – chiens, chats, et surtout oiseaux -, il tombe amoureux de l’animation américaine devant le film des studios Disney Les 101 Dalmatiens (1961), qui lui donne le goût du dessin. Enfant au caractère bien trempé, voire carrément obstiné, il croque les animaux et objets de ses rêves, comme un cheval, des singes, ou plus tard, une bicyclette, avec persévérance et minutie.

C’est à l’adolescence que se forme son imaginaire. Ce touche-à-tout se fascine pour l’architecture rondelette et l’univers futuriste optimiste d’Astro Boy (Astro le petit robot dans sa première traduction française, série publiée entre 1952 et 1968), du « dieu du manga » Osamu Tezuka. Il se captive pour le nouveau cinéma hollywoodien et la force de ses univers, ainsi que pour le modélisme, la mécanique et les armes. Et il trouve son petit péché gourmand dans le kitsch des tokusatsu, ces séries en costume lycra mêlant arts martiaux et extraterrestres hideux.

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