« Le bitcoin s’inscrit dans une tradition contestataire ancienne »

« Le bitcoin s’inscrit dans une tradition contestataire ancienne »


Spécialiste de l’histoire économique, Eric Monnet est directeur d’études à l’EHESS et professeur à l’Ecole d’économie de Paris. Il a reçu le Prix du meilleur jeune économiste 2022, décerné par le Cercle des économistes et Le Monde.

Les cryptomonnaies sont-elles un projet novateur dans l’histoire monétaire ?

Le bitcoin – en tout cas tel qu’il se présentait au début – s’inscrit dans la continuité d’une tradition contestataire qui estime que l’Etat a une trop grande mainmise sur le pouvoir monétaire. Cette tradition est ancienne : elle était notamment très forte dans les Etats-Unis du XIXe siècle. Alors que les pays européens s’étaient déjà tous dotés d’une banque centrale, la Réserve fédérale américaine n’a vu le jour qu’en 1913.

Les promoteurs du bitcoin se revendiquent aussi parfois du « free banking ». Ce courant de pensée repose sur l’idée qu’un système monétaire peut fonctionner sans régulation ni banque centrale. Là encore, la référence des Etats-Unis du XIXe siècle est utilisée, mais en grande partie à tort : si les Etats-Unis ont effectivement fonctionné sans banque centrale sur cette période, ils ont, dès le milieu du siècle, mis en place une régulation bancaire.

Enfin, l’idée que la confiance dans la cryptomonnaie vient du code informatique qui la sous-tend renvoie directement au rôle que jouait l’or dans les approches de « free banking ». Tout cela n’est donc pas si nouveau sur le plan monétaire.

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Sur le plan du fonctionnement du système financier, en revanche, l’aspect novateur pourrait être plus marqué. Grâce à la technologie, on pourrait voir émerger des modèles décentralisés, par exemple pour les prêts. Aujourd’hui, de grandes institutions servent d’intermédiaires pour les financements, mais cela n’a pas toujours été le cas. Avant la première guerre mondiale par exemple, la majorité des crédits immobiliers étaient effectués de personne à personne, avec les notaires qui assuraient la mise en relation. A ce stade toutefois, cette utilisation de la blockchain n’est pas celle qui s’est le plus développée.

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Les faillites de Terra Luna et FTX sont-elles surprenantes d’un point de vue historique ?

Il s’agit de crises très classiques de convertibilité : dès que l’on commence à douter de la capacité d’un acteur à la garantir, la liquidité disparaît et, de fait, la convertibilité n’est plus assurée. C’est le même mécanisme que lors des « bank runs », ces mouvements de panique qui conduisent aux faillites bancaires.

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