le casque d’Apple a-t-il changé notre vie ?

Apple Vision Pro Test 6


Le Vision Pro fait son petit effet durant les premières heures d’utilisation : on passe son temps à tester toutes les « expériences » proposées par Apple et ses partenaires. Mais on fait finalement vite le tour des vidéos immersives, des contenus en 3D et autres applications au fort potentiel « whaou ».

Les dinosaures qui vous sautent à la gorge et le vertige des vidéos à 180 degrés (qui ne sont guère nombreuses de toute façon) ne font plus vraiment leur effet au bout d’un moment. Et c’est là qu’on finit par se poser la question : mais à quoi ce « truc » peut bien servir ? Puisque Apple ne semble pas avoir trouvé (pas encore !) « la » fonction qui transforme le Vision Pro en appareil indispensable, c’est aux premiers utilisateurs d’imaginer la vie qui va avec.

Lire Test Apple Vision Pro : le futur c’est maintenant, enfin presque

Un casque qui se fait oublier, pas la batterie

Apple a beau présenter le Vision Pro comme un « ordinateur spatial », l’engin n’en demeure pas moins un casque dont la présence sur la tête ne peut pas s’oublier. Par rapport à un Mac, un iPad ou un iPhone, l’appareil ne peut pas s’effacer quand on l’utilise (ou quand on ne l’utilise pas, d’ailleurs).

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Néanmoins, au bout d’un mois à porter quotidiennement le Vision Pro, force est de reconnaitre qu’on se fait à sa présence et que le poids n’est plus vraiment un problème. Quelques dizaines de grammes en moins sur la balance auraient été les bienvenues, c’est sûr, mais en utilisant le harnais Dual Loop bien ajusté, on finit par se faire à ce gadget sur la tête. En revanche, ce qui ne change pas c’est l’allure du porteur du casque : l’entourage vous regardera toujours d’un drôle d’air…

Apple Vision Pro Test 2
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Le plus pénible avec le Vision Pro, cela reste la batterie externe dont le gros câble finit toujours par s’enrouler autour d’un accoudoir ou à gêner les mouvements de la main. Pour le coup, il est impossible d’oublier ce gros et lourd accessoire qu’on ne sait jamais où ranger. Et si au moins il offrait une bonne autonomie… Les 2 heures et quelques que la batterie offre au casque sont évidemment insuffisantes pour un usage prolongé ; elle finit par être constamment branchée au courant, ce qui en réduit encore plus l’utilité.

Très fort sur la vidéo

S’il y a une chose que le Vision Pro fait bien et même très bien, c’est la lecture de vidéos et tout particulièrement de vidéos en 3D. Le casque permet de prendre des photos et des vidéos en relief, tout comme l’iPhone 15 Pro, ce qui donne un aspect irréel (ou trop réel) à ses souvenirs de vacances et autres moments précieux.

Mais ce sont surtout les films en 3D qui sortent vainqueurs de ce premier mois d’utilisation. Le relief au cinéma est souvent un gimmick qui permet de vendre des places un peu plus cher, mais quand la 3D est intégrée au projet du réalisateur — comme c’est le cas chez James Cameron, par exemple —, alors le résultat visuel en vaut la peine.

Apple Vision Pro 3
L’app Apple TV propose des « vidéos immersives » dont on fait vite le tour. Heureusement, la sélection de films 3D est plus riche. © 01net

Et le Vision Pro redonne à la 3D ses lettres de noblesse. Revoir Avatar 2, Dune ou un film de super-héros en relief, peu importe la qualité du scénario ou de l’interprétation, dans le confort de son chez-soi et sur un écran plus grand que le plus grands des téléviseurs, c’est tout de même assez épatant, surtout en pleine immersion dans un des environnements de l’app Apple TV ou de Disney+.

L’expérience s’accompagne du support des dernières technologies à la mode : 4K, HDR, et même HFR (High-Frame Rate, qui projette plus d’images par seconde que la moyenne). Sans oublier l’audio spatial d’excellente qualité, y compris au niveau des basses : on en prend plein les yeux et plein les oreilles, de quoi faire oublier le souvenir des téléviseurs 3D, des salles de cinéma et même de son ensemble home-cinema dernier cri !

Néanmoins, tout n’est pas complètement parfait. Dans un environnement très sombre, une vidéo très lumineuse peut provoquer des effets d’éblouissement et des reflets disgracieux. Apple peut toujours tenter d’améliorer la situation à grands coups de mises à jour logicielle, ce problème est largement lié aux optiques et il est là pour rester. Pour l’atténuer, on peut toujours passer dans un environnement plus clair pour éviter les trop forts contrastes.

Si le Vision Pro peut se transformer un ensemble home-cinema grand luxe, c’est aussi un appareil profondément solitaire. Il est impossible d’en profiter à deux en même temps, à moins que l’autre personne ait aussi un casque sur le nez mais même dans ce cas, on ne retrouve pas le plaisir de partager la même expérience ensemble.

Un tunnel de productivité

Pour beaucoup de personnes, regarder des films dans de très bonnes conditions ne suffira pas à justifier les 3 500 $ demandés par Apple (même si des ensembles home-cinéma peuvent coûter bien plus cher). Une des promesses d’Apple pour le Vision Pro est de « libérer le bureau » en faisant exploser le cadre serré de nos écrans.

Et c’est vrai, jusqu’à un certain point. Avec le Vision Pro, c’est votre environnement direct qui fait office de bureau, dans lequel on va épingler des fenêtres d’applications. Par conséquent, l’utilisateur du casque peut se retrouver entouré d’apps, plongé dans un environnement qui le sort complètement du bureau. Un mois plus tard, cette promesse est tenue.

Apple Vision Pro
L’environnement de bureau de ces dernières semaines. © 01net

Les personnes qui télétravaillent 24/7 dans un bureau exigu sans fenêtre, ou même les employés qui veulent travailler sans avoir à subir les collègues à longueur de journée auront certainement une bonne raison de s’offrir le Vision Pro (ou de faire une note de frais !). Et si on a la chance de posséder un Mac, il est très facile d’afficher l’écran de l’ordinateur dans le casque, et de l’agrandir démesurément.

Alors certes, ce moniteur virtuel est limité à une résolution 4K, néanmoins les écrans du Vision Pro sont si définis que la lecture de texte ne pose aucun problème. On n’ira toutefois pas jusqu’à conseiller aux graphistes d’investir dans l’appareil — pour eux, des moniteurs spécialisés restent indispensables —, mais tous ceux qui doivent manipuler du texte, des logiciels basiques ou plus généralement pour un usage bureautique il conviendra tout à fait. Attention toutefois au bémol des applications sur lequel nous reviendrons.

visionOS reste cependant une première version. Et par bien des aspects, il s’agit d’une version bêta. Le Vision Pro se limite ainsi à un seul écran de Mac, ce qui peut être un problème pour les utilisateurs qui ont l’habitude de travailler sur plusieurs écrans externes. Alors c’est entendu, il est toujours possible de positionner des fenêtres d’apps visionOS autour de l’écran virtuel du Mac, mais toutes les apps avec lesquelles vous avez l’habitude de bûcher ne sont pas forcément disponibles sur visionOS.

Le système d’exploitation du casque étant encore très jeune (malgré les nombreuses années de développement), les options de gestion des fenêtres sont inexistantes à l’exception de la possibilité de les bouger dans l’espace et de les agrandir ou de les réduire. Il manque notamment une option qui garderait en mémoire le positionnement des fenêtres, afin de pouvoir retrouver rapidement son bureau favori.

Mieux, il devrait être possible d’enregistrer plusieurs configurations, un peu à l’image des modes de concentration d’iOS : en fonction de votre occupation du moment (« travail », « temps pour soi »…), l’iPhone peut afficher des écrans d’accueil différents avec des sélections d’apps adaptées à chaque mode. Le Vision Pro pourrait proposer quelque chose d’équivalent pour les fenêtres d’apps. Et puis on ne serait pas contre retrouver un Mission Control pour remettre la main sur une fenêtre égarée, et des bureaux virtuels…

Tout cela peut s’améliorer avec le temps, puisqu’il s’agit de logiciel (visionOS 2.0, qui sera certainement présenté en juin durant la WWDC, devrait apporter pas mal de changements et de nouveautés). Il y a en revanche une chose que le Vision Pro ne pourra guère améliorer, c’est son champ de vision. Pour embrasser du regard les différentes applications disposées devant soi, il faut constamment bouger la tête. Les fenêtres affichées sur l’écran d’un ordinateur sont toujours sous le regard…

Porter le Vision Pro, c’est accepter de voir le monde à travers une sorte de tunnel. En un sens, ce n’est pas un mal pour se concentrer sur une tâche. Mais il est vrai aussi qu’on peut ressentir une sorte d’enfermement malgré les environnements naturels d’Apple qui ouvrent virtuellement l’horizon (d’ailleurs, il en faudrait de nouveaux car on finit par se lasser…).

Des applications aux abonnés absents

Si Apple met tant l’accent sur l’affichage de l’écran du Mac dans le Vision Pro, c’est aussi parce que les applications compatibles avec visionOS sont encore très loin de correspondre aux besoins des utilisateurs de Mac. Et on ne parle pas uniquement des apps natives visionOS, celles qui s’intègrent harmonieusement dans l’interface du casque mais qui, malheureusement, sont encore très peu nombreuses.

Les apps pour iPad prises en charge par le système d’exploitation servent de rustines, mais elles sont loin d’être aussi agréables à utiliser que les versions natives. Apple est à blâmer ici, le constructeur offrant le pire des exemples : Pages et Numbers ne sont proposés que sous leur version pour iPad. Final Cut et Logic Pro sont tout simplement absents, tout comme Swift Playgrounds pour ceux qui voudraient coder (on ne parle pas de Xcode). Ce sont pourtant des apps iPadOS…

Apple Vision Pro 2
Un App Store toujours un peu chiche. © 01net

Comment exiger des applications natives de la part des développeurs, alors qu’Apple ne fait pas les efforts nécessaires ? Une attitude d’autant plus difficile à comprendre que le développement du casque et de visionOS ne remonte pas à quelques mois. Malgré un gros investissement, les utilisateurs doivent donc ronger leur frein et espérer qu’Apple mette les bouchées doubles.

Un peu plus d’un mois après le lancement, l’impression qui ressort est tout l’inverse : l’entreprise semble plutôt prendre son temps alors que les utilisateurs pouvaient légitimement s’attendre à un feu nourri d’applications optimisées. Et il est difficile d’en vouloir aux développeurs tiers qui n’ont pas forcément tous les ressources pour lancer et maintenir une app visionOS tant que le nombre de clients potentiels reste modeste.

La déception est identique mais hélas plus attendue pour les jeux. Les casques de réalité virtuelle — ce qu’est, aussi, le Vision Pro — sont pourtant d’excellentes machines à immersion pour les jeux vidéo, et le Quest 3 en a fait un de ses arguments de vente (malgré les dénégations de Mark Zuckerberg).

Apple donne parfois l’impression de s’intéresser aux jeux vidéo, mais après les effets d’annonce il ne reste plus grand chose des beaux engagements. La communication autour du Vision Pro a beaucoup tourné autour des jeux en réalité augmentée qui sont effectivement bien sympathiques, mais d’une part les contrôles avec les mains et les doigts sont bien moins précis qu’avec une manette, et d’autre part on reste sur du jeu mobile (Fruit Ninja, Game Room, Wylde Flowers…) dont l’ambition est d’amuser quelques minutes, mais pas davantage.

Du côté de la VR pure et dure, il n’y a toujours rien à se mettre sous les yeux, et cela ne changera pas tant que l’on ne pourra pas connecter des contrôleurs VR dédiés. Apple n’en a visiblement pas fait sa priorité.

Le Lisa de l’informatique spatiale

Les premiers mois de l’Apple Watch, et même de l’iPad, ont été compliqués pour ces appareils : il a fallu que les usages s’affinent au fil du temps pour qu’ils trouvent finalement leur voie. Il en va de même pour le Vision Pro, ce d’autant que le casque de réalité mixte est aussi, très clairement, un prototype pour Apple. Tout sent la peinture fraîche et il manque encore beaucoup, beaucoup de choses pour déterminer avec précision son usage idéal, s’il en existe un.

À notre niveau, l’expérience de ce mois passé en compagnie du Vision Pro a été pour le moins intéressante : il a fallu en effet intégrer le casque dans une routine quotidienne et le mettre à l’épreuve de notre productivité. L’appareil s’en sort bien sur certains points (l’immersion pour faire oublier le quotidien, le support du Mac, la lecture de films), moins bien sur d’autres (le choix étriqué des apps, la faiblesse de l’offre en jeu vidéo), il y a aussi de la frustration et des agacements — les bugs sont encore trop nombreux dans visionOS, et il manque toujours des fonctions de base.

Au lancement du Vision Pro, Tim Cook l’avait comparé au tout premier Mac de 1984. Mais le casque ressemble davantage au Lisa, sorti l’année précédente et qui intégrait beaucoup des nouveautés du Mac. L’ordinateur coûtait très cher et il n’avait pas la vista de son successeur ; Apple l’a rapidement abandonné, mais il a tout de même représenté le tout premier pas vers la révolution de l’informatique personnelle.

Le Vision Pro pourrait bien remplir ce rôle pour l’informatique spatiale, c’est en tout cas tout le mal qu’on lui souhaite.

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