Image: des Jerrys (ordinateurs en éléments de réemploi, dans des bidons), sous Emmabuntüs lors de l’anniversaire des deux ans du FacLab de Gennevilliers. Photo: Vallade / Wikimedia Commons / CC by-sa
Parmi les présentations, conférences, ateliers etc. de la fort dense Journée du Libre éducatif, au début du mois à Lyon (voir ces 12 projets libres et les vidéos de la JDLE) il y a notamment eu une conférence à deux voix, par Agnès Crépet, directrice de la longévité logicielle (ou «head of software longevity & IT») – quel beau titre! – chez Fairphone, qui fait aussi partie de l’équipe de développeurs Ninja Squad, et Isabelle Huynh, ingénieure, professeur à l’INSA et cofondatrice de La Clavette (autour de «l’ingénierie positive»): «Comment le Libre peut-il être le catalyseur de projets responsables».
Le Fairphone, un smartphone plus éthique
Cette conférence alléchante rappelait combien le Libre est une approche éthique de la technique, qui dépasse la seule informatique. En voici un résumé et des liens utiles. En vidéo complète:
Un premier exemple donné est le Fairphone, ce téléphone plus durable et plus «équitable». Agnès Crépet a rappelé sa genèse: en 2010, une campagne néerlandaise de sensibilisation sur les minerais de conflit – officiellement, le tantale, l’étain, le tungstène et l’or, «mais il y en a plus» -, en particulier avec l’extraction de minerais au Congo, dans une démarche de «décolonisation du numérique».
Les auteurs de cette campagne ont ensuite décidé de prêcher par l’exemple, et lancé une campagne de financement participatif pour fabriquer un smartphone plus éthique, intégrant des minerais qui ne financent pas des conflits armés. Le premier a été lancé en 2013, après un soutien de la Waag, incubateur d’Amsterdam et organisme public dédié à «rendre la technologie et la société plus justes et plus inclusives».
Pourquoi un téléphone? Parce que différentes études (Ademe, Green IT) ont montré que 84% des émissions de gaz à effet de serre de la tech, en France, étaient dues à la production des ordinateurs, smartphones etc., contre 16% pour les usages et infrastructures. Seulement 17,4% des téléphones sont recyclés.
Les travaux ont été multiples: nettoyage de l’approvisionnement et de l’origine des métaux (un téléphone en contient une cinquantaine) – cela a pris trois ans pour le cobalt -, conditions de travail dans les mines et les usines (paiements de bonus sur les salaires par exemple) – «ça ne nous a coûté que 1,85 dollar de plus par téléphone pour payer les gens convenablement» -, longévité des appareils (modulaires et démontables), réutilisation et recyclage.
Une étude de la Commission européenne estime que 20% des utilisateurs changent de smartphone à cause du manque de support logiciel. Le Fairphone 2, sorti en 2015 avec Android 5, a eu récemment une nouvelle mise à jour avec Android 10, soit un support porté à sept ans. «Sans open source, on n’arriverait pas à détrôner les normes de l’industrie électronique, qui consistent à maintenir un téléphone en moyenne deux ou trois ans, à l’exception d’Apple qui fait mieux sur ce point.»
Fairphone est un des membres de FairTec, collectif européen pour une tech durable créé en 2021 (avec TeleCoop et Commown en France) dont tous les acteurs s’appuient sur ou développent des technologies libres.
Au-delà du cas emblématique de Fairphone, il existe d’autres exemples de projets (plus) durables permis ou améliorés par le Libre. Exemples donnés lors de cette conférence par Isabelle Huynh:
– Apprendre à faire sa prothèse: la Fundacion Materializacion 3D, en Colombie – qui a aussi travaillé sur le projet avec une trentaine d’élèves de l’INSA.
– Jerry Do-it-Together – des ordinateurs fabriqués avec des jerrycans et des composants informatiques de réemploi. Ils ont contribué entre autres à un service avec OpenStreetMap au Togo, à un paiement par SMS dans un autre pays d’Afrique, à proposer Wikipédia en hors-ligne, etc.
– Precious Plastic, ateliers de recyclage de plastique. Près de 500 machines à travers le monde à présent.
– Visières solidaires, comme on l’a vu avec la crise du Covid: des collectifs se sont créés, entre autre en Rhône-Alpes, entre enseignants, étudiants et citoyens, qui ont pu fabriquer rapidement 80.000 visières.
Démarche low-tech
«Le Libre, un terreau pour la démarche low-tech»: Agnès Crépet et Isabelle Huynh ont conclu leur exposé avec cet intitulé. La démarche low tech se définit pour elles par une durabilité forte (est-ce le plus soutenable possible, écologiquement et humainement?), la résilience collective (est-ce que ça nous rend plus résilients, autonomes, agiles?) et l’utilité (est-ce que ça le vaut?), à l’opposé de l’imaginaire Silicon Valley où toute innovation est présumée bonne. Citation au passage de l’architecte Cedric Price (en 1966, elle reste parfaitement d’actualité): «Technology is the answer, but what was the question?»
– les ateliers paysans: pour se réapproprier les machines agricoles, avec des techniques assez simples (structures mécanosoudées), aux plans sous licence libre Creative Commons.
Voir sur la démarche low-tech le Forum LowTRE (low-tech recherche et enseignement).
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