le lobbyiste Jean-Pierre Duthion et le politologue Nabil Ennasri mis en examen

le lobbyiste Jean-Pierre Duthion et le politologue Nabil Ennasri mis en examen


Après quarante-huit heures de garde à vue, le lobbyiste Jean-Pierre Duthion et le politologue spécialiste du Qatar Nabil Ennasri ont été mis en examen mercredi 4 octobre, dans le cadre d’une information judiciaire portant sur des soupçons de corruption ou trafic d’influence autour de personnalités françaises, a appris l’Agence France-Presse de source judiciaire. Ils sont soupçonnés d’ingérence étrangère en France, notamment de la part du Qatar.

Nabil Ennasri a été placé en détention provisoire et Jean-Pierre Duthion sous contrôle judiciaire, comme requis par le parquet national financier (PNF). Celui-ci a confié mercredi ses investigations à deux juges d’instructions, qui disposent de moyens d’investigations étendus, notamment pour enquêter à l’international.

Toujours selon cette source, l’information judiciaire porte sur diverses infractions : corruption active et passive d’une personne privée ; corruption et trafic d’influence, actifs et passifs, en bande organisée, d’un élu public ; abus de confiance, blanchiment, blanchiment de fraude fiscale, non-respect par un représentant d’intérêt de ses obligations de communication à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ; travail dissimulé.

Enquête concernant le travail d’un ex-journaliste de BFM-TV

Le Qatar n’est pas forcément le seul pays suspecté d’ingérences. A minima, l’enquête s’intéresse à deux épisodes et à leurs éventuelles contreparties.

Le premier concerne le travail de l’ex-journaliste de BFM-TV Rachid M’Barki, qui aurait diffusé dans ses journaux de la nuit une douzaine de brèves illustrées en images, ayant notamment trait aux oligarques russes, au Qatar ou au Sahara occidental. M. M’Barki a été licencié en février pour faute grave par Altice, auquel appartient cette chaîne, qui a porté plainte.

Tout en déplorant un « lynchage médiatique », le journaliste de 54 ans avait admis avoir fait passer à l’antenne des images fournies par Jean-Pierre Duthion, décrit comme l’un de ses informateurs. Mais il avait assuré n’avoir eu « à aucun moment l’impression (…) qu’il pouvait travailler pour quelqu’un qui essayait de manipuler une information ».

Second épisode, une intervention à l’Assemblée nationale de l’élu écologiste Hubert Julien-Laferrière, qui avait vanté en février 2022, à la demande du lobbyiste, le LimoCoin, une cryptomonnaie qui s’est avérée être une escroquerie.

Le domicile de M. Duthion et le bureau du député à l’Assemblée ont été perquisitionnés le 27 septembre. « Je démens fermement les affirmations selon lesquelles je serais “au service” de M. Duthion » ou d’un « quelconque autre lobby », a indiqué le parlementaire dans un communiqué en février, reconnaissant une « erreur manifeste d’appréciation » concernant « l’épisode des crypto-monnaies ».

Au profit de la monarchie qatarie

Les enquêteurs s’interrogent par ailleurs sur le rôle que M. Ennasri, auteur de plusieurs ouvrages sur le Qatar, aurait éventuellement joué, notamment au moment de la Coupe du monde de football, comme agent d’influence au profit de la monarchie qatarie, selon le journal Le Parisien. M. Ennasri « fait pour l’instant usage de son droit au silence », a commenté son avocat, MYassine Bouzrou, auprès de l’AFP.

Les enquêteurs « soupçonnent un lien » entre Nabil Ennasri et Jean-Pierre Duthion, a aussi précisé à l’AFP une source proche de l’enquête. « Jean-Pierre Duthion repart libre de cette série d’auditions, et attend désormais que l’information judiciaire aboutisse à sa mise hors de cause. Les infractions qui lui sont reprochées sont vivement contestées : il n’a jamais versé de rémunération à un parlementaire, ni à un journaliste. Il est aujourd’hui contraint de devoir justifier de ses activités de lobbyiste, au mépris du secret des affaires », ont réagi auprès de l’AFP ses avocats Robin Binsard et Guillaume Martine.

Cours en ligne, cours du soir, ateliers : développez vos compétences

Découvrir

La procédure du PNF avait débuté après une plainte de BFM-TV et une enquête internationale mi-février du collectif de journalistes Forbidden Stories, à laquelle ont contribué dans l’Hexagone Radio-France et Le Monde. Elle pointait les activités d’une société israélienne, surnommée « Team Jorge », spécialisée dans la désinformation au profit de différents clients, dont des Etats.

« Story Killers », enquête sur les mercenaires de la désinformation

Durant plusieurs mois, une vingtaine de rédactions, dont celle du Monde, ont enquêté, au sein du consortium Forbidden Stories, sur les entreprises spécialisées dans les manipulations d’opinions publiques et la diffusion de fausses informations. Dans le cadre de ce projet baptisé « Story Killers », trois journalistes du consortium ont notamment pu participer, en se faisant passer pour des intermédiaires d’un potentiel client français, à plusieurs rendez-vous avec des officines vendant des outils d’influence « clés en main ».

Cette enquête a notamment permis de révéler l’existence de « Team Jorge », une très discrète société israélienne qui revendique son ingérence dans plusieurs dizaines d’élections à travers le monde. Elle offre à ses clients un arsenal de services illégaux, depuis le piratage des boîtes e-mail et messageries privées d’adversaires jusqu’à la diffusion massive de campagnes d’influence grâce à un gigantesque réseau de faux comptes sur les réseaux sociaux.

Le Monde avec AFP



Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.