Dites sur Twitter ce que vous ressentez, et l’intelligence artificielle (IA) dira si vous consommez des opioïdes, des stimulants, des benzodiazépines… sans être passé par un médecin. Tel est, en substance, le résumé des travaux d’une équipe multidisciplinaire d’informaticiens et de médecins urgentistes des universités américaines d’Emory, d’Oregon et de Pennsylvanie. Ces chercheurs ont utilisé l’IA pour tenter de mieux comprendre le mésusage des médicaments et de cerner le ressenti des utilisateurs en période de consommation. Cette approche inédite vient d’être publiée sous le titre « Une analyse à grande échelle des médias sociaux révèlent les émotions associées à la consommation non médicale de médicaments disponibles sur ordonnance » (Health Data Science, du 27 avril).
Aux Etats-Unis, la situation est alarmante. En 2021, plus de 108 000 personnes sont mortes d’overdose, un chiffre en hausse de 20 % par rapport à 2020. « Dans de nombreux cas, ces décès sont dus à l’ingestion de mélanges médicamenteux », expliquent en préambule de l’étude les chercheurs. « Les comportements des usagers, leurs émotions et les raisons de ce mésusage ne sont pas bien saisis par les sondages traditionnels », poursuivent-ils. D’où cette étude, pour tenter de capter par les réseaux sociaux, et de façon plus rapide, ce qui est difficilement accessible. Leur matière première ? Plus de 137 millions de tweets anonymisés de 87 718 personnes. Près de 50 000 étaient, selon l’étude, des consommateurs de ces substances (groupe A). Les autres n’avaient jamais fait référence à une telle consommation et constituaient le groupe B dit « de contrôle ».
Au final, la recherche montre « des différences significatives » dans les sentiments et les émotions exprimés par les deux groupes. Ainsi les A partagent en ligne plus de contenus parlant de peur, de colère, d’émotions négatives, de tristesse et de dégoût que le groupe « contrôle ». Sans grande surprise, en opposition, ils expriment moins d’émotions positives, de joie, de confiance et d’anticipation. Autre différence avec les B, les A s’inquiètent peu pour le travail, la maison et la religion et sont plus focalisés sur le passé et sur le corps. Ces conclusions rejoignent celle d’un sondage de 2012, réalisé sur des étudiants autour de la consommation de médicaments sans ordonnance, la dépression et le suicide.
Propos extrêmes
Hommes et femmes du groupe A utilisent des propos extrêmes, en positif ou en négatif, qui, selon les auteurs, pourraient indiquer « des déclencheurs émotionnels » associés à la consommation de substances. Il a été noté que les hommes exprimaient plus de colère dans leurs propos. « Ces résultats sont cohérents pour les quatre types de médication considérés dans cette étude : opioïdes, stimulants, benzodiazépines et mélanges de substances », précise la publication.
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