« Le risque est désormais existentiel pour le géant d’Internet »

« Le risque est désormais existentiel pour le géant d’Internet »


L’ombre de John Rockefeller plane comme un fantôme au-dessus du campus de Mountain View en Californie, siège de Google. Non pas que le roi de la recherche sur Internet ambitionne de se lancer dans la prospection pétrolière, comme le fondateur de la Standard Oil au XIXe siècle, mais parce qu’il risque bien de lui arriver la même mésaventure. Le département (ministère) de la justice américain a officiellement déposé plainte contre Google, en même temps que huit Etats, dont ceux de Californie et de New York. Et comme pour la compagnie pétrolière de M. Rockefeller, il demande le découpage d’une société devenue trop puissante. « Google s’est engagé dans une politique d’exclusion qui a sévèrement affaibli, si ce n’est détruit la concurrence dans l’industrie de la publicité en ligne », a affirmé mardi 24 janvier le ministre de la justice, Merrick Garland.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Publicité en ligne : Google a abusé de sa position dominante

L’enquête minutieuse de la justice (149 pages) met au jour « quinze ans de pratiques anticoncurrentielles », selon les termes du chef de l’antitrust, Jonathan Kanter. A l’image de la Standard Oil qui avait pris le contrôle de la production, du raffinage et du transport du pétrole aux Etats-Unis, Google est accusé d’avoir patiemment construit une position dominante dans toutes les technologies, permettant à la fois aux sites qui cherchent de la publicité et aux annonceurs qui veulent en passer de le faire dans l’écosystème Google. Jusqu’à la fixation des prix aux enchères. De plus, son moteur de recherche est l’une des premières destinations de la publicité sur Internet. Les analystes estiment que la société attire le quart des revenus de toute la publicité en ligne aux Etats-Unis et la moitié de ceux consacrés à la recherche.

Multiplication des enquêtes

Comme toujours en matière de droit de la concurrence, ce n’est pas la position dominante en elle-même qui est en cause, mais son abus. Le premier consistant tout simplement à éliminer ses concurrents. L’enquête de la justice détaille par exemple le « projet Poirot » échafaudé par la firme pour discriminer systématiquement dans les achats d’espace les utilisateurs de la technologie d’enchères concurrente de la leur. Cela peut aussi consister à augmenter ses prix exagérément une fois la concurrence anéantie. L’Etat fédéral, lui-même, aurait surpayé ses propres publicités qui lui ont coûté 100 millions de dollars depuis 2019. Il s’appuie donc sur sa propre expérience pour demander que Google se sépare d’une bonne partie de ses activités dans ce domaine.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Les Gafam mettent la main sur les câbles sous-marins pour mieux contrôler Internet

Le risque est désormais existentiel. La publicité représente près de 80 % du chiffre d’affaires du géant du numérique et c’est donc le cœur de son modèle économique qui est visé. Voilà de nombreuses années que la société est dans le collimateur des autorités du monde entier. Elle avait écopé d’une amende de 220 millions d’euros en France, en 2021, et la commission européenne multiplie les enquêtes. En 2020, le Texas avait porté plainte avec 16 Etats américains. L’action de la justice fédérale laisse présager des jours difficiles pour Google. Cette dernière argue que la concurrence est féroce dans ce métier et que son démantèlement pénalisera l’innovation et les prix. Elle parie surtout sur son meilleur allié, le temps, comme IBM ou Microsoft avant elle. Mais désormais l’horloge tourne et le temps s’accélère dangereusement.



Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.