« Les manquements sont beaucoup plus importants chez les petits influenceurs »

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L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) a publié, jeudi 29 septembre, le dernier rapport de l’Observatoire de l’influence responsable, une étude qui s’intéresse aux pratiques des influenceurs français, ces internautes très suivis sur les réseaux sociaux et régulièrement approchés par des marques pour mettre en avant des produits.

L’autorité, si elle se félicite d’une transparence croissante du secteur, constate cependant qu’il existe encore de nombreux manquements de la part des influenceurs, dont certains n’indiquent pas, ou pas totalement, lorsqu’ils font la promotion d’une marque. Pour Mohamed Mansouri, délégué général de l’ARPP, les efforts de pédagogie à destination de ces internautes stars peuvent payer.

Quelles sont les règles qui s’appliquent aujourd’hui aux influenceurs en matière de publicité ?

Mohamed Mansouri : La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) contrôle ce qu’on appelle les « pratiques commerciales trompeuses ». Il y en a toute une liste, que l’on retrouve dans le code de la consommation, parmi lesquelles le fait de ne pas dévoiler l’intention commerciale. C’est puni par une amende qui peut aller jusqu’à 300 000 euros, et peut être portée jusqu’à la moitié des investissements publicitaires qui ont servi à commettre l’infraction, ainsi qu’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans. L’an dernier, Nabilla a été condamnée pour défaut de transparence à une amende de 20 000 euros.

Il y a aussi un texte déontologique adopté en 2017 par la profession, qui est une règle de transparence entre les marques et les influenceurs. Dès lors qu’il y a un engagement réciproque, par exemple, si je poste un contenu d’une marque en échange d’une contrepartie, quelle qu’elle soit, on bascule dans la collaboration commerciale et il faut la mentionner de manière « explicite » et « instantanée ».

« Explicite » veut dire avec des termes clairs, accessibles à tous. Donc on n’emploie pas des termes comme « ad », qui veut dire « publicité » en anglais, ça ne parle pas du tout au consommateur. Et « instantané » veut dire qu’on doit se rendre compte tout de suite qu’il y a un partenariat : il ne faut pas qu’on attende la fin d’une vidéo, que ce soit noyé au milieu des hashtags, il ne faut pas qu’on ait besoin de cliquer sur « voir plus » en dessous d’une vidéo pour se rendre compte qu’il y a un partenariat…

Pourquoi, selon vous, ces règles ne sont-elles pas toujours respectées ?

Selon ce que nous ont rapporté plusieurs créateurs de contenus, la marque ou l’agence publicitaire peut demander que la collaboration commerciale ne soit pas mentionnée afin de laisser entendre que l’on raconte la vie personnelle du créateur de contenus, pour que le post apparaisse plus authentique. Parce qu’on part de cette idée fausse selon laquelle on génère plus d’adhésion et d’engagement si on avance masqué, alors que c’est plutôt l’inverse. Cela peut venir aussi de l’influenceur, qui peut craindre que ses audiences se détournent de lui s’il dévoile le partenariat. Enfin ça peut être aussi par méconnaissance de la règle ou par précipitation.

Ce que nous constatons, c’est que les manquements sont beaucoup plus importants chez les petits influenceurs de moins de 10 000 abonnés : cette année, on remarqué que 31 % de leurs contenus publicitaires étaient non identifiés, contre 9 % chez les influenceurs de plus d’un million d’abonnés. On en déduit que plus un influenceur est gros, mieux il est accompagné, plus il est professionnel et plus il a sans doute connaissance de cette règle de transparence.

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Peut-on chiffrer le marché du marketing d’influence en France ?

Ce marché-là s’inscrit dans le marché beaucoup plus large de la « creator economy », qui cible vraiment tous les créateurs de contenus. On en compte 150 000 en France, soit une base bien plus large que la liste d’influenceurs que l’on pointe du doigt. Sur le marketing d’influence, on peine à obtenir des chiffres fiables sur le marché français, en tout cas sur sa valeur. Une chose est sûre : les budgets des marques qui font du marketing d’influence augmentent d’année en année.

Vous avez lancé en 2021 une certification à destination des influenceurs. Comment fonctionne-t-elle concrètement, et que faites-vous face aux contrevenants ?

C’est un module d’apprentissage à distance dans lequel l’influenceur va voir toutes les règles de transparence, apprendre à s’assurer du statut légal d’un produit avant d’en faire la publicité, vérifier que l’annonceur qui le contacte est sérieux etc. Les influenceurs suivent aussi des cours sur des sujets plus sectoriels, comme les jeux d’argent ou l’automobile par exemple. Et quand ils se sentent prêts, ils passent un examen et doivent obtenir 75 % de bonnes réponses. Un influenceur sur cinq n’y arrive pas du premier coup.

Ensuite, si on constate que s’ils ne respectent pas les règles, il y a une riposte graduée. Ça peut aller jusqu’à la suspension du certificat et, au bout du bout, à la saisine d’une instance de sanctions indépendante : le jury de déontologie publicitaire. La sanction sera la publication d’une décision et donc, une atteinte à la réputation de l’influenceur, donc du « name and shame » (« nommer et faire honte »). Les cas de manquement grave, eux, relèvent de la compétence de la répression des fraudes, qui a le pouvoir de prononcer des sanctions et d’infliger des amendes.

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Que faire face à la croissance des publicités pour des placements financiers, parfois très risqués ?

Il y a aujourd’hui des enjeux avec certains produits interdits de publicité ou extrêmement réglementés : c’est le cas de la publicité pour des placements dans des produits financiers comme le Forex, ou dans des cryptomonnaies. Ces « fin-influenceurs » vont s’improviser conseillers en investissement sans en avoir le statut. Ils bénéficient parfois d’une promotion dans des réseaux un peu plus secrets et fermés, comme des serveurs Discord ou des chaînes Telegram. De notre côté, on va lancer un certificat avec option produits financiers. On souhaite aider les « fin-fluenceurs » à être plus transparents et loyaux sur les risques encourus par les investisseurs par rapport aux produits dont ils font la publicité. Des produits qui doivent, bien sûr, être licites.



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