L’euro numérique sera déployé en 2027, à quoi va-t-il servir ?

euro numérique


L’euro numérique approche. Attendue au plus tard en 2027, la réponse de la BCE à l’essor des cryptomonnaies a plusieurs objectifs, dont la protection de la vie privée des citoyens. On fait le point sur les ambitions du projet.

Ce mardi 27 septembre 2022, la Banque de France a organisé une conférence consacrée à la tokénisation (l’émission d’un actif numérique sur la blockchain) de la finance au Musée du Louvre. L’événement s’intéressait surtout au rôle des banques centrales face à l’évolution de l’économie, avec surtout l’essor de cryptomonnaies comme le Bitcoin ou l’Ether.

Parmi les intervenants, on trouvait notamment Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale des États-Unis (FED) et François Villeroy de Galhau, l’actuel gouverneur de la Banque de France (BDF).

Lors de cet événement, les banquiers ont longuement parlé de l’euro numérique, le projet de monnaie numérique de banque centrale qui a débuté en 2020 dans le sillage de la crise sanitaire. En l’espace de deux ans, l’initiative a bien évolué. En conséquence, le gouverneur de la Banque de France a annoncé l’émission de l’euro numérique au plus tard en 2027.

« En Europe, nous en sommes à la moitié de notre phase d’étude : l’Eurosystème prendra sa décision d’ici à la fin 2023, pour un lancement potentiel en 2026 ou 2027 », annonce François Villeroy de Galhau.

Comme prévu, c’est l’Eurosystème, un organisme composé de la BCE et des banques centrales des pays membres de l’Union européenne, qui décidera du déploiement de l’euro numérique. La décision est évidemment suspendue aux résultats des tests en cours menés par la BCE. Il est toujours possible que l’initiative soit reportée, voire avortée.

En effet, l’euro numérique est toujours en cours d’expérimentation. Pour mettre au point le projet, la BCE s’est associée à plusieurs acteurs de la finance, comme Worldline, le spécialiste français des paiements. L’autorité monétaire s’est par ailleurs approchée d’Amazon pour concevoir « des interfaces utilisateur potentielles pour l’euro numérique ». Le choix de se tourner vers Amazon a été fortement critiqué. De nombreux observateurs ont estimé que la BCE met en danger la souveraineté monétaire de l’Europe en confiant une partie du projet à un acteur américain. Lors d’un panel organisé par l’Association pour les marchés financiers d’Europe, Jürgen Schaaf, conseiller de la BCE sur la question des paiements numériques, a fermement défendu l’implication d’Amazon :

« Les expériences de prototypage […] sont motivées par des considérations technologiques. Les entreprises qui ont été choisies étaient les plus appropriées pour répondre à nos besoins en matière de tests et d’expériences technologiques ».

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L’utilité du futur euro numérique

Au cours de la conférence, les dirigeants des banques centrales ont évoqué les usages de ce futur euro numérique. Tout d’abord, la devise dématérialisée doit faciliter l’utilisation de l’euro dans un monde de plus en plus numérique. L’essor des paiements par carte ou par smartphone oblige les banquiers de la BCE à faire évoluer la monnaie en vigueur en Europe. L’avènement prochain du métavers, avec sa propre économie interne, a probablement accentué le besoin d’un euro dématérialisé.

Par ailleurs, l’euro numérique est conçu comme une réponse à la multiplication des cryptomonnaies. Avec sa propre monnaie numérique de banque centrale, la BCE souhaite éviter que des tokens émis par des entités privées, comme une plate-forme d’échange, ou un acteur décentralisé, soient utilisés pour payer des biens et des services. Sans surprise, la BCE n’apprécie pas que des acteurs comme Binance ou Coinbase lancent des solutions qui sont utilisées comme moyen de paiement, à savoir des stablecoins comme le BUSD ou l’USDC.

« Nous sommes arrivés au stade où entre 10 et 15 % des Américains et des Européens ont investi dans les cryptos », regrette Christine Lagarde.

Lors de leur prise de parole, les responsables n’ont d’ailleurs pas manqué de tacler le secteur des cryptomonnaies. En miroir de Christine Lagarde, François Villeroy de Galhau a estimé que le devises numériques, comme le Bitcoin, l’Ether ou le Binance Coin, ne sont pas de véritables monnaies. Pour le gouverneur de la banque centrale française, il s’agit plutôt de « crypto-actifs ». Il oppose ici la notion de monnaie à celle d’actif. La monnaie se différencie d’un actif car sa valeur ne fluctue théoriquement pas dans le temps. Elle peut donc servir de réserve de valeur.

« Les cryptomonnaies ne sont pas un moyen de paiement, et ne sont pas une réserve de valeur très stable », déclare Christine Lagarde, considérant que les cryptos sont « de purs actifs spéculatifs ». 

Néanmoins, l’euro numérique partagerait certaines des caractéristiques des cryptomonnaies. Au Louvre, François Villeroy de Galhau a ainsi assuré, de manière un peu cryptique, que le projet « devrait être décentralisé dans sa mise en œuvre ». On imagine que le gouverneur évoque l’utilisation de la technologie blockchain, qui sous-tend les crypto-actifs, pour déployer l’euro dématérialisé. La BCE s’appuierait sur une chaîne de blocs privée plutôt que publique. Des expérimentations dans ce sens ont déjà eu lieu, par exemple avec une blockchain privée basée sur Ethereum.

L’euro numérique devrait également faciliter les échanges internationaux entre les banques. Les transactions sur la blockchain sont en effet plus rapides et efficaces qu’un virement bancaire traditionnel. Le gouverneur de la Banque de France assure d’ailleurs que l’euro numérique va « contribuer de manière significative à l’amélioration des paiements transfrontières et en devises ». Suite aux multiples expérimentations organisées depuis 2020, notamment avec la banque centrale de Singapour, de grandes avancées ont été réalisées sur ce point, souligne le responsable.

C’est pourquoi les banques centrales se concentrent sur l’interopérabilité des différentes monnaies numériques. En clair, l’euro numérique doit pouvoir fonctionner avec les devises numériques mises en place par d’autres autorités monétaires, comme le dollar numérique. Pour mémoire, des dizaines travaillent en ce moment sur leur propre devise nationale numérique. C’est le cas du Japon ou de la Suède.

« L’euro numérique peut faciliter les paiements transfrontaliers de manière importante, c’est pourquoi entre les autorités américaines, les autorités européennes et d’autres au-delà, nous devons comparer les notes, explique la présidente de la BCE », estimant que l’e-euro pourrait être plus populaire au-delà des frontières de l’UE.

Vie privée et anonymat

Jerome Powell, responsable de la banque centrale américaine, a par ailleurs assuré que l’euro numérique donnera la priorité à la vie privée des utilisateurs. Néanmoins, l’anonymat des usagers ne sera pas garanti. La BCE compte d’ailleurs se servir de l’euro dématérialisé pour lutter contre la fraude et le blanchiment d’argent.

De son côté, Lagarde estime qu’un euro numérique est comme un billet de banque « avec un peu moins d’anonymat ». Mais, contrairement aux entreprises privées qui émettent certains tokens, la BCE va veiller à protéger les données personnelles des citoyens.



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