« L’intelligence artificielle est déjà dans l’école, vouloir l’en chasser serait illusoire »

« L’intelligence artificielle est déjà dans l’école, vouloir l’en chasser serait illusoire »


Pionnière de la numérisation de l’Etat et des institutions publiques, l’Estonie prépare aujourd’hui sa société à la révolution de l’intelligence artificielle (IA). De passage à Paris en ce mois de novembre, sa ministre de l’éducation et de la recherche, Kristina Kallas, explique la stratégie que le pays balte déploie en la matière depuis quarante ans.

Pourquoi l’Estonie s’est-elle lancée précocement dans la numérisation de ses institutions et services gouvernementaux ?

Tout a commencé dans les années 1990, à notre indépendance, après la chute de l’empire soviétique. Le défi était immense : comment reconstruire notre pays, notre économie, notre gouvernance démocratique sans argent ni ressources ? Cela nous a poussés à adopter immédiatement les technologies les plus modernes, car il s’agissait de l’option la moins chère – preuve, s’il en faut, que l’innovation naît de la contrainte.

Aujourd’hui, l’ensemble du système numérique estonien permet d’économiser l’équivalent de 2 % des dépenses publiques par an. Moins de bureaucratie et de paperasse, ce sont aussi des heures de travail et de productivité gagnées. Pour que tout cela fonctionne, il a néanmoins fallu que les Estoniens aient confiance dans le système d’identité numérique et d’e-signature que nous avons bâti, et qui leur permet d’accéder aux services publics. Ce fut le plus difficile.

Comment le gouvernement les a-t-il convaincus ?

Il y a eu un vaste débat de société, et le consensus sur le sujet s’est peu à peu imposé. Désormais, les Estoniens n’ont aucun doute sur la sécurité des services numériques et la qualité de la protection des données privées. Le niveau de confiance est très élevé. Pour preuve, le vote aux élections se fait par voie numérique depuis 2005 et est largement entré dans les mœurs.

A quels services cette « e-identité » ouvre-t-elle accès ?

Tous ! Pour 99 % des services dont les Estoniens ont besoin, la communication avec l’Etat se fait en ligne, par l’identité numérique. J’ai presque 50 ans, et je n’ai jamais déclaré mes revenus en version papier de ma vie, car lorsque je suis entrée sur le marché du travail, il y a vingt-cinq ans, le système de déclaration électronique des impôts était déjà en place. Tout est prérempli, cela ne prend que quelques minutes.

Aujourd’hui, nous travaillons sur la phase suivante : développer des services publics personnalisés, en fonction du profil et des besoins des citoyens. Exemple : si une personne s’occupe de ses parents dépendants, elle se verra proposer des services d’aide à domicile sur son profil numérique, sans avoir à les chercher elle-même. Il lui suffira ensuite d’accepter ou refuser cette proposition sur son téléphone.

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