« Maintenant, décrire la réalité est considéré comme un acte criminel »

« Maintenant, décrire la réalité est considéré comme un acte criminel »


Chelsea Manning a vécu une enfance traumatisante, participé à une guerre sanglante, provoqué l’une des plus importantes fuites de documents confidentiels de l’histoire américaine avant de passer des années en prison… Son histoire aurait fait un bon roman : la publication de ses Mémoires, README.txt (Fayard), le 19 octobre en France, dont nous publions les bonnes feuilles, est donc logiquement attendue.

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La soldate devient célèbre en 2010, en tant que lanceuse d’alerte, source de WikiLeaks. Cette année-là, le site spécialisé dans les fuites de documents publie des centaines de milliers de dossiers secrets qu’elle lui a transmis : des comptes rendus de l’armée américaine en Irak et en Afghanistan, des télégrammes diplomatiques américains, mais aussi une vidéo montrant une bavure de l’armée américaine ou des informations issues de la prison de Guantanamo. Chelsea Manning est alors analyste pour l’armée américaine, stationnée en Irak, chargée de rédiger des notes de renseignement basées sur les comptes rendus des soldats ou les écoutes réalisées par l’armée.

Immédiatement arrêtée, elle est condamnée en 2013 à trente-cinq ans de prison, dans un contexte de politique très agressive de l’administration Obama contre les lanceurs d’alerte. Libérée en 2017 après une réduction de peine, elle est à nouveau emprisonnée en 2019 pour son refus de collaborer à la procédure judiciaire visant Julian Assange aux Etats-Unis, puis encore libérée l’année suivante. Sa parole est rare, son histoire a été disséquée sans qu’elle ait vraiment eu voix au chapitre.

Chelsea Manning, 34 ans, a accordé un entretien au Monde, son premier à la presse française, en visioconférence depuis les Etats-Unis. Sur l’écran, casque audio sur les oreilles, elle est parfaitement à l’aise. Caméra haute qualité, éclairage vif, micro sophistiqué, arrière-plan soigné : pour un peu, on croirait interviewer une streameuse.

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De son enfance dans l’Oklahoma rural et ultraconservateur à sa transition de genre, en passant par sa décision de faire fuiter les documents et ses brutales conditions de détention, Chelsea Manning n’élude aucun sujet.

Pourquoi avez-vous choisi d’écrire ce livre ?

J’ai l’impression d’avoir été longtemps inaudible. Evidemment, je ne peux pas tout dire [pour des raisons légales : elle est encore soumise au secret], mais je voulais rétablir les faits. On a souvent parlé de moi, mais je n’ai pas beaucoup eu la parole.

L’idée était aussi d’amener du contexte concernant qui je suis, d’où je viens : beaucoup pensent que je suis spéciale, une personne extraordinaire. En réalité, je suis une personne ordinaire, et on peut facilement s’identifier à mon histoire, à ma vie.

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