Métavers : 2025 ou 2030?

La blockchain 3.0 va t-elle (enfin) décoller ?


Poursuivons l’exploration du Web 3.0, promis par certains, comme le futur de l’Internet, de l’économie et de l’expérience, et par d’autres comme un cauchemar énergivore, voire une version alternative du scénario du livre « 1984 ». L’avenir est certainement entre les deux, et les analystes avertis s’accordent pour dire que ce sera long, ce qui nous laisse le temps de nous y préparer.

En cette rentrée, vous n’avez pas pu manquer dans votre boîte aux lettres, une invitation ou une sollicitation pour une conférence ou un séminaire, parfois payantes, sur le Métavers. C’est l’une des applications les plus en vue du Web 3.0. Des sérieux cabinets de conseil, notamment McKinsey, BCG, Gartner, Accenture ou Deloitte, ont aussi publié des livres blancs, ou des tendances, pour donner leur vision et convaincre leurs clients d’y réfléchir… avec eux 😉 

GreenSI les a consultés et compilés cet été, pour vous livrer ici, quelques-unes de leurs convergences, car il y aussi pas mal de divergences, sur un sujet aussi large que l’avenir des technologies du Web. 

Le premier enseignement de ces études est certainement le fait que tous s’accordent sur un point : ce n’est pas nouveau!

Les technologies du web 3 existent depuis plus d’une dizaine d’années et ont déjà développé des marchés, de matériels, de logiciels et de services. Le marché du Métavers est vu comme la réorganisation de ces marchés de la réalité augmentée et virtuelle (AR/VR), d’actifs virtuels (NFT) et de mondes virtuels qui existent déjà. L’avantage d’une telle approche c’est qu’elle permet de ne pas partir de la feuille blanche et de mettre des chiffres, là où aujourd’hui, il n’y a qu’une bataille de concept et d’investissements (voir Web3: quitte ou double?) et une offre en devenir.

Cela permet donc de compiler les chiffres actuels du marché de la réalité virtuelle ou augmentée, par exemple, et de les attribuer au marché balbutiant du Métavers. Mais quand on additionne ceux des cryptomonnaies, on est à la limite de la mauvaise foi, car oui il y aura une monnaie dans le Métavers, mais le Bitcoin s’est développé sans aucun besoin d’un univers virtuel jusqu’à présent.

Par exemple, Gray Investments estime à $400 milliards le marché des mondes virtuels en 2025, mais il part du chiffre de $180 milliards en 2020, soit presque déjà la moitié en agrégeant le marché du jeu vidéo (ci-contre).

Donc attention au tour de passe passe, car c’est bien la combinaison de ces technologies qui va délivrer un nouveau marché, et les chiffres actuels sont ceux de ses constituants, sans aucune garantie que la transformation de leur combinaison va opérer.
Notons aussi que le marché du jeu vidéo qui a eu une croissance de 20% pendant les confinements (courbe noire), repasse sagement à une croissance négative d’ici 2025 et cherche un second souffle. Il a donc clairement un objectif en commun avec le Métavers.

Pour caricaturer, c’est un peu comme si on voulait se convaincre du potentiel du marché de la voiture volante en regardant la vitalité du marché de l’automobile et celle du marché de l’aviation. De même, si les jeunes aiment jouer en ligne et les ados communiquer et socialiser (ce sont des marchés différents), il n’est pas évident que l’ensemble jeunes+ados adoptent un même monde, permettant à la fois d’être en ligne et de socialiser.
On est clairement dans l’incertitude des usages et de la vitesse à laquelle il vont se développer avant d’atteindre une masse critique qui aura combiné ces deux technologies.

Quand on regarde de plus près les chiffres annoncés de Grayscale pour le Métavers, leur croissance est de 17,5% par an. Ce n’est pas rien!
Pour Vérified Market Research, c’est même une croissance annoncée de 39% par an jusqu’en 2030.
De telles croissances correspondent à un processus de transformation déjà bien rodé, par exemple la croissance de l’internet entre 2005 et 2010, qui passe de 1 à 2 milliards d’internautes dans le Monde (après avoir été plus lentement adoptée entre 1995 et 2005).
GreenSI reste très sceptique et vous donne rendez-vous dans 6 mois, pour voir si on a déjà la moitie de cette croissance, soit 8% à 20% d’utilisateurs de plus…

La combinaison des marchés technologiques du Métavers, est donc celle des marchés du jeu vidéo, de la réalité virtuelle et augmentée, des mondes virtuels, et des actifs virtuels.

Le marché mature du jeu vidéo, est déjà immersif avec les casques de réalité virtuelle et massivement collaboratif avec le e-sport (où un public suit en ligne ou dans une salle, la performance des joueurs). C’est aujourd’hui le marché cœur de la cible de Méta (ex. Facebook) avec le rachat des casques Oculus. En embuscade les acteurs majeurs des consoles ont aussi leur vision : Microsoft, Nintendo et Sony.

Le nombre de casque de réalité augmentée vendus depuis 5 ans est de l’ordre de 30 millions, soit moins de 1% des internautes avec une croissance loin des 40%. Apple est vu comme un aiguillon pouvant booster la croissance des équipements des internautes, un peu comme l’iPhone a redistribué les cartes dans la téléphonie, dans la photographie et dans la musique. Mais Apple n’a pas annoncé lors de sa keynote de la semaine dernière, comme beaucoup de « méta-enthousiastes » l’attendait, le calendrier pour la sortie de son futur casque (marque Apple Reality Pro déposée). Donc pour l’instant il faudra attendre 2023 « l’aiguillon Apple » et imaginer la possibilité d’un début d’adoption plus massif à partir de 2024.

Le marché des évènements immersifs et collaboratifs va également se développer, notamment autour des concerts et du sport à la maison.
Dans le premier cas, des expériences de concerts en ligne où les participants ont un casque de réalité virtuelle et rejoignent un espace où se produit l’artiste, ont déjà été organisés avec succès dans Fornite, l’un de ces jeux vidéos collaboratif, rebaptisé monde virtuel.
Le test d’artistes virtuels dans une salle remplie de fans biens réels, a aussi été fait récemment avec la tournée du groupe ABBA qui, avec des artistes de plus de 70 ans, ont préféré donner leur performance via des avatars holographiques que sur scène 😉
Dans le second cas, Méta a racheté en 2021 la société Supernatural. Elle propose des coachs sportifs et de la musique en ligne pour réinventer l’expérience du sport à la maison avec un casque immersif. Les usages du sport à domicile se sont développés avec les derniers confinements, notamment via la vidéo, mais quel est le potentiel de l’immersif sur ce marché ? 
La société Peloton, qui vend des vélos connectés, aussi promise à un bel avenir l’an dernier, fait maintenant fuir les investisseurs et a été retirée de la côte un moment en 2022. Elle a changé sa stratégie et joue sa survie sur la vente de ses vélos par Amazon. Un acteur qui y voit peut-être une belle proie, après le rachat des serrures connectés ou d’aspirateur robots, pour compléter sa gamme Alexa d’équipement de la maison.
Notons que dans ces deux cas, le modèle physique existe, et est complété par son modèle virtuel. Les usages usages prometteurs proviendront certainement de l’hybridation du physique et du virtuel. 

Le marché de la réalité augmentée, qui contrairement aux deux autres, est déjà déjà bien développé dans le monde des entreprises industrielles et même dans le service public. Les lunettes sont moins immersives qu’un casque, l’équipement peut aussi être un pare brise de véhicule ou toute surface pouvant enrichir le monde réel avec des informations numériques.
Une évolution de ce marché est de faire l’inverse, c’est à dire de projeter la réalité sur le virtuel, et donc d’augmenter le virtuel et non la réalité. Les casques pourraient donc évoluer avec des caméras externes pour que la personne qui le porte puise aussi voir autour d’elle. Le fait d’être isolé du monde réel avec un casque est aujourd’hui un facteur limitant des usages dans le temps (nausée) et dans l’espace (mobilité).

Enfin, dans les marchés en devenir on retrouve aussi celui de l’art et des objets numériques, mais qui demandent un monde virtuel persistant pour exister. Sinon c’est un peu comme une toile dans le coffre de votre banque. Ces marchés sont la raison qui fait que les marques de luxe ou les commissaires priseurs, sont sur la brèche pour se préparer à l’ouverture de ces mondes virtuels. Mais pour ce billet, nous allons laisser de côté les usages autour des technologies de la blockchain et des NFT, entraînés dans la tourmente de la chute du bitcoin de ces derniers mois.

Le Métavers pose donc la question de l’interaction entre le monde réel et le monde physique. Et pour répondre à cette question, notre cerveau a aussi son mot à dire !
Et les études qui partent de l’hypothèse d’un casque, n’y répondent pas.

Est-ce qu’il faut forcément un casque de réalité virtuelle pour être immergé dans un nouveau monde ?

Les lecteurs assidus vous diront qu’il suffit d’un bon livre, mais ce monde reste privé.
Les écrans de grande taille, où les objets ou personnages sont à l’échelle 1, le permettent également, ainsi que la collaboration. Les premières salles de visio immersives existaient il y a 10 ans avec l’illusion d’une salle de conférence qui se poursuivait sur un mur d’images.  Quand vous jouez au tennis avec une WiiU en grand écran l’illusion de jouer peut-être très forte, et le réseau peu développé par Nintendo permettrait d’avoir un autre vrai joueur en face.
Les simulateurs dans les foires utilisent aussi des écrans en 2D pour projeter de la 3D à laquelle votre cerveau réagit avec des émotions fortes.
Enfin quand on explique que la 3D agit sur le cerveau et permet de traiter les phobies par exemple, c’est aussi vrai pour la 2D depuis longtemps et elle a été utilisée pour des traitements.
Notre cerveau est donc finalement un processeur très puissant, auquel on peut faire croire plein de choses.

L’idée d’un métavers 3D sur un écran et non avec un casque, existe déjà. Est-elle totalement loufoque ? L’évolution de l’existant n’a t-elle pas autant d’avenir qu’un tout nouveau univers ?
En tout cas, à court terme, cette hypothèse semble plus proche de pouvoir supporter un déploiement d’usages entre 20% et 40% par an, que celle d’équiper les internautes, à la même vitesse, avec des casques de réalité virtuelle.

Le prochain billet va donc explorer le potentiel de ces mondes virtuels 3D collaboratifs, mais sur un simple écran, le processeur cerveau de l’internaute se chargeant de le rendre immersif.

Alors faut-il se ruer dans ces séminaires et autres formations de la rentrée, sinon on va rater le coche et prendre du retard par rapport aux concurrents dès 2023, en n’engageant pas des projets majeurs ?

Pour GreenSI, il n’y a pas d’urgence, au delà de surfer sur le buzz avant qu’il ne retombe.
Tant que la masse critique n’aura pas atteint, disons 5% sur un pays, les usages concerneront que des « early adopters » et non le cœur de cible du futur marché. N’oublions pas que, par pays, les débits de l’internet sont loin d’être homogènes dans le monde, la France faisant partie des bons élèves.

Il n’y a donc pas d’urgence, et c’est aussi ce que suggère ce sondage de Jeremy Owyang auprès de son réseau Twitter, composé de personnes très engagées sur le thème de la transformation digitale.

En revanche GreenSI trouve que le sujet du Métavers est un bon sujet pour réfléchir dès maintenant à sa transformation digitale, car il la pousse plus loin la réflexion en terme d’expérience client.

Par exemple si on est un distributeur de meubles, avant d’imaginer vendre des meubles virtuels uniques (NFT) à tous ces nouveaux mondes, ce qui selon ce que l’on vient de voir n’arrivera pas avant 5-10 ans, on peut par exemple déjà équiper les showrooms de ses magasins pour immerger le client dans son appartement (il vient avec ses photos) et qu’il puisse y essayer les meubles physiques du magasin. Nouvelle expérience dans le virtuel, mais dans des « bulles d’expériences » qui vont contribuer à générer l’adoption.

Le Métavers en tant qu’univers virtuel va donc certainement émerger, mais cela ne semble pas pour tout de suite et peut-être pas sous la forme technologique imaginée par Méta. 





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