« On sait qu’on fait une connerie avec ces jeux d’argent en ligne, on en a honte, mais on ne peut pas s’en empêcher »

« A 28 ans, je me suis proposé comme bénévole à la DGSE »


La première fois que j’ai touché à un jeu d’argent sur Internet, j’avais 18 ans. C’est la vidéo d’un youtubeur connu montrant comment fonctionnent les casinos en ligne qui a attisé ma curiosité. Dans la foulée, j’ai misé 20 euros sur un jeu de hasard, la « roulette », en théorie interdit en France mais facilement atteignable en quelques clics. J’ai fait cela juste pour voir, en me disant qu’avec un peu de chance, les gains pourraient au moins me payer mon prochain kebab. Sauf qu’en quelques minutes, je suis monté à 300 euros…

Il faut imaginer ce que cette somme représentait pour l’étudiant que j’étais à l’époque : c’était énorme ! Je venais de contracter un prêt de 35 000 euros pour payer mes trois premières années d’études dans une école privée de design, dans le sud de la France. Et je vivais avec un budget de 200 euros par mois pour la nourriture, les transports et les sorties. Bref, comme tous les étudiants, je ne roulais pas sur l’or.

Mais « plus malin » que les autres, et piètre statisticien, je me dis alors que si avec 20 euros j’en avais gagné 300, en misant directement 300 euros je pouvais peut-être atteindre 4 500 euros, et ainsi de suite. Je pourrais commencer à rembourser mon prêt, et m’acheter ma voiture plus facilement après mon permis… Les jeunes peuvent être sensibles à cette promesse d’argent facile.

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Dès le lendemain, lors d’une matinée de cours où je n’écoute absolument rien de ce que raconte l’enseignant, scotché à mon mobile, je perds aussi rapidement tout l’argent gagné. Puis je continue les jours suivants. Cela m’occupe pendant mes longues heures de transport en commun pour rejoindre mon lieu d’étude. Je parie des petits montants (5 euros, 10 euros, même quelques centimes parfois), en prenant soin de me préparer un sandwich le matin pour économiser un peu d’argent pour mon nouveau passe-temps.

Cela continue jusqu’à ce que je réalise que j’ai dépensé tout mon budget mensuel, grisé par l’enchaînement rapide de pertes et de gains, de la frustration et de l’excitation, très fréquent avec ce type de jeux de hasard. Rien de grave : je réduis drastiquement, pour la première fois, mes sorties et mes repas – « seulement jusqu’à la fin du mois » pensè-je alors.

Jouer pour se « refaire »

Mais au début du mois suivant je rejoue et perds mes 200 euros mensuels en une journée. Il va falloir regagner cela rapidement… Se met alors en place le second mécanisme d’addiction : je ne joue plus pour le plaisir, la curiosité ou l’argent facile, mais pour « me refaire ». Je me convaincs d’ailleurs que je peux plus ou moins maîtriser ma chance : « il y a trois colonnes, j’ai seulement une chance sur trois de rater mon pari », « statistiquement, si je double ma mise sur les cases couleurs, je ne peux pas perdre », et autres bêtises…

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