Mi-février, le ministre délégué chargé de la transition numérique, Jean-Noël Barrot, faisait une annonce largement reprise dans la presse : interrogé par la délégation aux droits des enfants de l’Assemblée nationale sur les solutions pour empêcher les mineurs d’accéder aux sites pornographiques, il expliquait que le gouvernement travaillait à « faire émerger une solution de vérification d’âge respectant le principe de double anonymat [technologie protectrice de la vie privée] ». M. Barrot annonçait le début d’une expérimentation, « à partir de la fin du mois de mars, par un collectif d’entreprises […] prochainement présenté de façon exhaustive et publique. »
Une telle annonce impliquant des sociétés privées avait pris de court certains acteurs, à commencer par Olivier Blazy, chercheur polytechnicien, qui avait publié en juin 2022, en collaboration avec le laboratoire de recherche de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et le PEReN, un protocole technique de vérification d’âge respectant la vie privée des utilisateurs et pouvant se faire depuis un navigateur Web. « Ça aurait pu être un commun numérique développé par le gouvernement », regrette-t-il aujourd’hui.
Mais surtout, près de cinq mois plus tard, le projet semble avoir peu avancé. Fin juin, le ministre confiait à Sud Ouest « espérer » voir celui-ci aboutir « dans les prochains mois ». Des tests sont bien en cours sur certains sites du groupe français Dorcel, portant sur un échantillon limité de visites, mais « on en est vraiment au stade de l’expérimentation », explique au Monde le président du groupe, Grégory Dorcel. « Les tests montrent qu’il y a encore beaucoup de chemin pour que ces solutions soient efficaces et adoptées par le grand public, avec une expérience utilisateur qui soit satisfaisante », juge M. Dorcel, qui estime qu’il reste un double travail à accomplir : à la fois « du côté des administrations, avec une réflexion sur le cahier des charges technique, et du côté des start-up et des industriels, pour optimiser les solutions ».
Trois entreprises conduisent des tests sur les plates-formes Dorcel, selon le ministère de la transition numérique : la start-up marseillaise Greenbadg, la société IN Groupe (Imprimerie nationale) en partenariat avec Orange, et Docaposte, propriété du groupe La Poste. Ces solutions s’appuient sur des applications pour smartphone, qui demandent à l’utilisateur de s’authentifier auprès d’un tiers pour prouver sa majorité. Dans le cas d’Accès réservé, l’application de IN Groupe et Orange, on se voit par exemple proposer d’utiliser son identifiant client Orange. Greenbadg, de son côté, nécessite de créer un compte sur l’application, puis de prouver son identité en passant par un prestataire.
Il vous reste 64.68% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.