Par le biais d’une association de défense des ayants droit, les studios de Hollywood accusent plusieurs sites français de faciliter le piratage de films. Une poignée de plates-formes de téléchargement direct, et un important fournisseur IPTV, sont épinglées par les géants du cinéma américain.
La Motion Picture Association of America (MPAA), l’association américaine qui représente Netflix et les plus grands studios hollywoodiens, vient de publier son rapport annuel consacré aux sites pirates dans le monde. Comme toujours, ce rapport a été envoyé au Bureau du représentant américain au Commerce.
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Le piratage, un problème mondial
L’association hollywoodienne y affirme que le piratage est un problème mondial. Pour lutter contre l’explosion des sites pirates, la MPAA demande donc à « tous les acteurs de l’écosystème Internet » de collaborer. Le rapport épingle les hébergeurs, les fournisseurs de DNS, les services cloud, les régies publicitaires, les services de paiement, les réseaux sociaux et les moteurs de recherche. Tous ces acteurs doivent impérativement prendre leurs responsabilités, avance la MPAA.
Une partie du rapport est consacrée à l’inaction de Cloudflare, CDN américain. La MPAA accuse l’entreprise de servir « certains des sites Web pirates les plus notoires et les plus anciens au monde », comme The Pirate Bay. Malgré « les avis répétés d’infraction » envoyés à Cloudflare, l’hébergeur n’a pas pris de mesures contre le site de téléchargement de torrents.
Comme toujours, la MPAA dresse une liste noire de sites qui facilitent le piratage d’œuvres culturelles. On y trouve des sites de téléchargement illégal, de streaming illégal, des sites qui répertorient des liens vers des contenus piratés, ou encore des fournisseurs IPTV. Plus d’un millier de plates-formes IPTV ont été identifiées par les équipes de la MPAA. Rien qu’en Europe, le marché de l’IPTV générerait près d’un milliard d’euros de revenus annuels, estime l’EUIPO (European Union Intellectual Property Office).
Quels sites français sont pointés du doigt ?
On notera que l’association pointe du doigt plusieurs sites français dans son rapport annuel. Sans surprise, l’organisme regrette que de nombreuses plates-formes de téléchargement direct, hébergées en France, facilitent le partage d’œuvres protégées.
La MPAA épingle tout d’abord 1fichier.com, un service d’hébergement de fichiers similaire à Mega, MediaFire et RapidShare. La plate-forme française permet aux internautes de mettre des films piratés en ligne. C’est loin d’être la première fois que 1fichier.com est identifié comme une plaque tournante du piratage de contenus. En mai 2021, le site a d’ailleurs écopé d’une amende de 935 500 euros pour avoir hébergé des copies de jeux Nintendo piratés. On notera que 1fichier apparaît dans la liste noire de la MPAA depuis plusieurs années. Hébergé par Dstorage Network, le site négligerait souvent de répondre aux demandes de retrait des ayant-droits. D’après un rapport du représentant américain au commerce publié en 2020, seulement 0,12 % des demandes sont prises en charge par 1fichier.
La MPAA évoque aussi le cas de Streamtape.com, une autre plate-forme permettant d’héberger et de partager des vidéos. Le site est devenu « un lieu populaire pour le partage non autorisé » en rémunérant les internautes dont les contenus dépassent les 10 000 téléchargements. On trouve aussi Uptobox.com, un autre site de téléchargement direct. En miroir de 1fichier et Streamtape, Uptobox est « largement utilisé par les sites pirates en Europe ». La MPAA estime aussi que Uptostream, la plate-forme de streaming illimité d’Uptobox, est massivement exploitée par les pirates pour générer des revenus passifs grâce aux publicités.
TheKing365tv.site, un fournisseur d’accès IPTV français, figure dans le répertoire de la MPAA. Bien ancré dans l’industrie IPTV, il propose « plus de 2 200 chaînes internationales et une vaste bibliothèque en VOD » grâce à de nombreux serveurs localisés en Afrique du Nord.
Notez que la liste noire comprend également des noms inattendus, dont des applications très populaires dans le monde, tel que Telegram. Via la messagerie instantanée, de nombreux pirates partagent apparemment des contenus protégés par les droits d’auteur en toute impunité, avance la MPA.
L’impact du piratage sur l’industrie du cinéma
Enfin, la MPAA évoque l’impact du piratage de films sur l’industrie cinématographique américaine. L’association estime en effet que les « 137,2 milliards de visites » enregistrées en 2020 sur des sites pirates ont coûté « au moins 29,2 milliards de dollars de recettes » à l’industrie cette année-là.
« On estime que le piratage réduit l’emploi dans notre industrie entre 230 000 et 560 000 emplois », avance la MPA, citant des études réalisées par des tiers.
De plus, le piratage de films contribuerait à réduire les revenus des travailleurs du cinéma. Comme le souligne l’association, la plupart des professionnels de l’industrie comptent sur les droits d’auteur pour vivre et assurer leur retraite. En proposant des contenus illégalement sur la toile, les sites pirates réduiraient les recettes engrangées par les films, ce qui affecterait la valeur des droits d’auteur. Citant le Département des employés professionnels des États-Unis, la MPAA assure que « la lutte contre le piratage en ligne » permet directement « de défendre les emplois et les avantages sociaux aux États-Unis ».
Plusieurs études confirment le constat de la MPAA. La consommation illicite de programmes audiovisuels s’accompagnerait d’une baisse de la fréquentation des salles obscures et des recettes. D’après une étude réalisée par la Commission européenne en 2015, le téléchargement illégal de films populaires, comme les blockbusters, a bien tendance à affecter les recettes des cinémas.
« Les résultats montrent un taux de déplacement des ventes de 40 %, ce qui indique que pour 10 films récents regardés illégalement, on a consommé légalement 4 films de moins », résume le rapport.
Il s’agit du seul cas de figure où l’impact du piratage a été constaté. Pour les autres œuvres, il n’y a aucune preuve que le piratage a une influence systématiquement négative sur les bénéfices engrangés par les ayants droit. Le rapport, rédigé par le cabinet de consulting Ecory, précise qu’une œuvre téléchargée n’équivaut jamais à une œuvre vendue en moins.
Source :
Torrent Freak