Pourquoi il n’existe pas (encore) de réelle alternative à Twitter

Pourquoi il n’existe pas (encore) de réelle alternative à Twitter


Depuis le rachat de Twitter par Elon Musk, beaucoup d’internautes s’interrogent sur l’opportunité de s’en détourner définitivement, tentant de dénicher le réseau vers lequel migrer. Des plates-formes comme Mastodon, Hive, Post ou CounterSocial attirent déjà de nombreux curieux et affichent, pour certaines, une croissance insolente en nombre d’utilisateurs. Hive, qui revendique à présent un million d’inscrits, a ainsi affirmé mardi 22 novembre avoir enregistré 250 000 nouveaux comptes en une seule journée.

Cela ne suffit pas pour autant à en faire de légitimes remplaçants : même en imaginant que Twitter disparaisse du jour au lendemain, écrasé par les fail whales (des messages d’erreur au statut quasi culte sur la plate-forme), il existe de nombreuses raisons pour lesquelles aucun successeur n’a encore émergé.

Des concurrents encore chétifs

Tout d’abord, un réseau social ne se fait pas en un jour : liste d’attente à rallonge, problèmes techniques face à l’afflux de nouveaux inscrits, manque de personnel pour répondre aux urgences ou renseigner les internautes… Les déboires qu’ont connus ces dernières semaines les plates-formes accueillant certains exilés de Twitter montrent que ses compétiteurs n’ont pas encore les reins assez solides. Hive, par exemple, ne compte pour l’heure que trois employés, d’après sa fondatrice, Raluca Pop. Même Tumblr, un réseau social que l’on peut considérer comme ancien (il est né un an après Twitter), a, semble-t-il, rencontré quelques difficultés face au pic de nouvelles installations de son application constaté dans les deux semaines qui ont suivi le rachat de Twitter.

De plus, même lorsqu’ils sont plus robustes, ses concurrents ont bien souvent des défauts que le réseau social à l’oiseau bleu, qui n’en est pourtant pas dépourvu, n’a pas. A commencer par sa facilité d’utilisation : bien souvent présentée comme l’une des plates-formes les plus susceptibles de lui succéder, et malgré d’indéniables qualités, Mastodon finit parfois par rebuter les internautes, décontenancés par sa décentralisation, son interface peu engageante et sa relative complexité.

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Par ailleurs, les réseaux alternatifs ont un autre problème à résoudre : pour attirer et fidéliser de nouveaux utilisateurs, il faut qu’ils en aient déjà séduit suffisamment. Face au risque d’arriver « trop tôt » sur un réseau et de s’y ennuyer, la tentation est forte de faire comme pour une soirée à laquelle on est invité : attendre que suffisamment de monde s’y soit rendu afin d’être sûr qu’il y aura de l’ambiance. A cela s’ajoute le fait que les réseaux sociaux ne sont, pour l’heure, pas interopérables : on ne peut basculer de l’un à l’autre aussi facilement que l’on change d’opérateur téléphonique. Impossible, par exemple, d’emporter avec soi les followers accumulés au fil des ans, ce qui peut représenter un frein important pour ceux qui ont déjà assis leur réputation.

Caisse de résonance

Twitter présente aussi surtout une qualité qu’aucun autre réseau social n’a pour l’heure su répliquer : l’immédiateté. Contrairement à de nombreuses plates-formes, un fil de publication s’y affiche en temps réel et la part belle est faite aux publications courtes allant à l’essentiel. Cette rapidité, couplée à l’aspect public du réseau, permet à certains messages de devenir viraux en une fraction de seconde.

C’est pour cette raison que, dès ses premières années, la plate-forme a été largement utilisée afin d’organiser des mouvements de contestation à travers le monde. Le « printemps arabe » de 2011 est à ce titre emblématique : le format très court des publications et la facilité d’utilisation du réseau social (on pouvait encore à l’époque envoyer un tweet avec un simple SMS) ont par exemple permis aux utilisateurs de chroniquer en temps réel les événements.

Par la suite, Twitter a continué de jouer le rôle de caisse de résonance des mobilisations – comme l’a encore montré #metoo – et, en toute logique, a dans un premier temps attiré une large population de journalistes, de militants et de fans des nouvelles technologies. Un socle auquel se sont ajoutés des utilisateurs issus de domaines variés allant des avocats aux célébrités, en passant par les responsables politiques.

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De plus en plus d’entreprises, d’institutions et de gouvernements y ont aussi ouvert un compte, si bien qu’au fil des ans Twitter est devenue la plate-forme de prédilection, plus que toute autre, pour relayer une parole officielle ou une réaction en cas d’actualité forte : c’est sur Twitter que fut annoncée la réélection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis en 2012, la naissance du prince George en 2013, la disparition du vol MH17 en 2014 ou encore la mort de l’acteur Chadwick Boseman, en 2020. C’est aussi Twitter que l’ancien président des Etats-Unis, Donald Trump, utilisait en permanence pour s’attaquer à ses adversaires ou préparer des annonces.

Soirées pop-corn à grande échelle

Malgré l’introduction, en 2016, d’un fil d’actualité montrant en priorité les tweets les plus importants – un outil qui s’adapte en particulier aux utilisateurs suivant de très nombreux comptes –, la possibilité de remonter son fil de façon chronologique est également restée une marque de fabrique de Twitter. Cette méthode distingue le réseau social de ceux qui s’appuient aujourd’hui beaucoup plus largement sur des algorithmes de recommandation et de classement des contenus, comme Facebook, Instagram ou TikTok.

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Enfin, le rôle de « deuxième écran », c’est-à-dire d’agora pour commenter ou réagir pendant des films, des émissions de télévision très regardées (l’Eurovision, « Top Chef »…) ou encore des compétitions sportives, est un autre aspect difficilement remplaçable de Twitter. En rassemblant aussi bien amis, connaissances plus éloignées et parfaits inconnus, la plate-forme crée une sorte de communauté éphémère rassemblée autour du divertissement du moment.

Cet aspect unique de grande place publique en fait aujourd’hui encore l’un des seuls espaces où s’opèrent ces soirées pop-corn à grande échelle. Impossible par exemple de commenter en direct le football ou l’Eurovision sur Facebook, où les algorithmes font que chaque publication se sera peut-être vue que deux heures plus tard, voire le lendemain. Bien sûr, il est possible de trouver l’immédiateté dans des conversations de groupe sur WhatsApp, Messenger, Telegram, Signal ou, mieux, sur une communauté Discord. Mais ces espaces sont plus restreints en taille.

Avec ses 544 millions d’utilisateurs actifs mensuels en octobre 2022, Twitter est très loin d’avoir un rôle aussi central dans le quotidien des internautes que TikTok (945 millions), Whatsapp (2 milliards) ou Facebook (2,9 milliards en comptant également Messenger). Reste que ses caractéristiques particulières et son poids historique font qu’un certain temps sera sans doute nécessaire avant que puisse émerger un éventuel « Twitter bis ».

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