Pourquoi la version payante de Facebook ou Instagram est une (très) mauvaise idée

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L’arrivée prochaine d’un abonnement à Facebook et d’Instagram, inspiré de l’offre de Twitter, pose de nombreuses questions. On vous explique ce qui ne va pas avec la nouvelle offre de Meta.

C’était attendu, Meta a dévoilé ses plans pour une version payante d’Instagram et de Facebook. Le service, baptisé « Meta Verified », sera d’abord déployé en Australie et Nouvelle-Zélande. Et permettra, comme un certain Twitter Blue, d’obtenir notamment une « coche bleue » sur votre profil et ainsi « vérifier » votre compte. Mais aussi quelques menus avantages, comme un accès privilégié au support et une visibilité accrue des publications. Le tout pour la somme de 12 dollars par mois environ, voire 15 dollars par mois lorsqu’on s’abonne par iOS et Android.

Une nouvelle manne potentielle pour une entreprise en crise : Meta dépense des sommes folles pour tenter de matérialiser le « métavers » rêvé par son grand patron, sans pour l’instant connaître le succès, loin de là. Et ses plates-formes, autrefois incontournables, font désormais face à une concurrence féroce, notamment de la part de TikTok, qui menace de les ringardiser.

Le lancement de cette offre, avant tout destinée aux « créateurs », a surpris et provoqué de nombreux débats sur la Toile. Et pour cause : le développement d’une version payante d’Instagram ou Facebook est problématique pour plusieurs raisons. Et voici les principales.

On ne devrait pas avoir à payer pour être en sécurité sur les réseaux sociaux

Verified promet « davantage de protection contre l’usurpation d’identité, grâce à une surveillance proactive des comptes pour les imitateurs susceptibles de cibler des personnes dont l’audience en ligne est en pleine croissance. » Une noble idée… qui devrait déjà faire partie intégrante des services basiques proposés par Meta ! D’autant que les comptes « en pleine croissance », ceux qui comptent de nombreux followers, sont justement ceux qui font le succès d’Instagram, en attirant chaque jour d’autres utilisateurs pour découvrir leurs publications. Meta cherche ainsi à faire payer les utilisateurs qui font son succès, ce qui semble… paradoxal.

Par le biais d’un commentaire sur son profil Facebook, Mark Zuckerberg a défendu la position de son entreprise à ce sujet. « Nous fournissons déjà des protections et un certain support pour tout le monde. Mais la vérification des identifiants gouvernementaux et la fourniture d’un accès direct au support client pour des millions ou des milliards de personnes coûtent une somme d’argent importante. Les frais d’abonnement couvriront cela » a-t-il écrit.

Certes, mais Verified introduit du coup un nouveau risque : quid de ceux qui ne paieront pas ? Continueront-ils à bénéficier d’une protection, même basique ? On peut craindre l’apparition d’une sécurité à deux vitesses sur Facebook et Instagram : une protection renforcée pour les abonnés, et des utilisateurs gratuits peu à peu délaissés… afin de les inciter à passer à la caisse.

Il y a un risque à confier des documents officiels à Meta

Pour s’abonner à Verified, il faudra donc fournir une pièce d’identité à Meta lors de l’inscription. La firme se distingue ainsi de Twitter, qui se contente de vos informations bancaires. « Les utilisateurs doivent soumettre une pièce d’identité gouvernementale correspondant au nom de profil et à la photo de leur compte Facebook ou Instagram » indique l’entreprise. Une procédure qui n’est pas sans risque pour la confidentialité de vos données, et qui pourrait poser des problèmes de sécurité. D’autant que Meta ne précise pas -pour l’instant- comment seront traités ces documents particulièrement sensibles. Combien de temps ces données seront-elles conservées ? Seront-elles utilisées à d’autres fins que la simple vérification de votre identité ? Autant de questions cruciales quand on connaît le pedigree de Meta en matière de protection des données personnelles.

Cela n’empêchera pas les faux comptes, et pourrait favoriser la désinformation

En imposant la vérification d’identité, Meta compte éviter le désastre qui a suivi le lancement de Twitter Blue, pourri, dès les premières minutes de son existence, par des dizaines de cas d’usurpation d’identité. Mais le processus de vérification d’identité en ligne sera-t-il suffisant pour les empêcher complètement ? Il est permis d’en douter. Des petits malins adeptes de Photoshop essaieront certainement de tromper la vigilance de Meta afin de valider de faux comptes.

Mais ce n’est pas le plus grave. Tout comme Twitter, Meta va surtout changer la fonction de sa « coche » bleue, actuellement destinée uniquement aux comptes représentant « une personne, une marque ou une entité connue très recherchée. » Avec Verified, cela ne changera pas tout de suite, mais à terme, tous les internautes pourront bénéficier de ce badge. Meta l’écrit noir sur blanc : « nous voulons créer une offre d’abonnement qui soit utile à tous […] Dans le cadre de cette vision, nous faisons évoluer la signification du badge vérifié afin que nous puissions étendre l’accès à la vérification et que davantage de personnes puissent être certaines que les comptes avec lesquels elles interagissent sont authentiques. »

Autrement dit, il suffira de payer pour être un utilisateur « authentifié ». Un changement qui pose déjà d’innombrables problèmes sur Twitter. Comme le rappelait récemment Numerama, la nouvelle certification payante a, par exemple, été largement adoptée par des complotistes de tous poils, qui s’en servent pour asseoir leur notoriété et mieux remonter dans les résultats de recherche. Un système identique sur Facebook et Instagram pourrait leur offrir une visibilité décuplée.

Les utilisateurs payants sont toujours « le produit »

Enfin, il est vraiment cocasse de constater que, malgré son prix élevé, l’abonnement à Facebook et Instagram ne change rien au business historique de Meta : le commerce de vos données personnelles. Meta Verified n’y change rien, en effet : les abonnés ne verront pas moins de publicités, et seront toujours soumis au même ciblage publicitaire que les utilisateurs qui ne payent pas. « Si c’est gratuit, c’est vous le produit ». Mais sur Facebook et Instagram, ce sera aussi le cas de ceux qui déboursent 12 dollars par mois pour un badge bleu.



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