Qu’est-ce que Worldcoin, ce cryptoactif suspendu au Kenya ?

Qu’est-ce que Worldcoin, ce cryptoactif suspendu au Kenya ?


Les créateurs de Worldcoin espéraient sans doute un démarrage plus serein. Le mercredi 2 août, neuf jours après sa sortie mondiale, le Kenya a annoncé suspendre les opérations liées à ce nouveau cryptoactif. Quelques jours plus tôt, on apprenait que les régulateurs français et allemand avaient déjà lancé une enquête à son sujet.

Si Worldcoin attire autant l’attention, c’est en partie dû à la notoriété de son créateur, Sam Altman, qui est aussi le fondateur de l’entreprise OpenAI, à l’origine du robot conversationnel ChatGPT. Mais ses ennuis proviennent surtout de son parti pris sécuritaire : toute personne souhaitant acheter des jetons (« token ») Worldcoin doit faire scanner son œil en employant un Orb, un appareil rond et métallique qui ne déparerait pas dans un film d’anticipation. Selon la société, cette précaution permet de prouver l’identité de chaque usager. Mais les pouvoirs publics s’inquiètent des dangers que ferait planer sur la vie privée la constitution d’une immense base de données biométriques oculaires.

Un Orb, l’appareil servant à scanner les yeux.

Compensation financière

D’autant que l’entreprise, qui revendique depuis le lancement de sa phase de test plus de 2 millions d’iris scannés dans plus de trente pays, est déterminée à augmenter son nombre d’utilisateurs à marche accélérée, en proposant aux nouveaux inscrits une incitation financière. Mardi, plusieurs milliers de personnes ont ainsi fait la queue dans des centres commerciaux et dans le principal centre de conférences de Nairobi pour se soumettre à un scanner de l’iris et recevoir l’équivalent de 7 000 shillings (45 euros) en monnaie virtuelle, a constaté un journaliste de l’Agence France-Presse (AFP). La plupart des personnes revendaient ensuite immédiatement leurs jetons pour empocher la somme en liquide.

En réaction, les autorités kényanes ont donc suspendu les activités de Worldcoin dans le pays. Dans un communiqué, le gouvernement a expliqué mercredi avoir lancé des enquêtes portant notamment sur « le manque de clarté concernant le stockage et la sécurité des données sensibles » et « l’absence d’encadrement approprié » de cette immense base de données. Des inquiétudes partagées par les régulateurs européens, notamment la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et son homologue allemande. Cette dernière a confirmé auprès de l’AFP qu’elle avait ouvert une enquête, avec le concours de l’organisme français.

A l’AFP, la fondation Worldcoin a assuré que la demande d’identité numérique avait été « écrasante » au Kenya et que, par précaution, les services de vérification avaient été « temporairement suspendus ». « Pendant la pause, l’équipe développera un programme comprenant des mesures de contrôle (…) plus robustes et travaillera avec les autorités locales pour faire mieux comprendre les mesures de confidentialité et les engagements que Worldcoin met en œuvre, non seulement au Kenya, mais partout », a-t-elle ajouté.

« Revenu universel »

La maison mère de Worldcoin, l’entreprise Tools For Humanity, a passé trois ans à développer son projet. Deux millions de personnes se sont inscrites pendant la phase de test du cryptoactif pour obtenir un passeport numérique baptisé « World ID », dans des conditions parfois assez troubles : comme l’a révélé une enquête de la MIT Technology Review, dans de petits villages d’Indonésie, l’entreprise n’informait pas nécessairement les nouveaux inscrits des implications du prélèvement de leurs données biométriques et scannait le corps et le visage en plus des yeux. L’entreprise projette de déployer quelque 1 500 Orbs dans différents pays pour permettre à des millions d’autres utilisateurs de s’inscrire, comme l’indique son site Web.

Pour ses cofondateurs, Sam Altman et Alex Blania, Worldcoin pourrait permettre, assurent-ils, d’« établir une solution fiable pour distinguer les êtres humains de l’intelligence artificielle en ligne tout en préservant la confidentialité des données (…) et finalement ouvrir une voie potentielle vers un revenu minimal universel financé par l’intelligence artificielle (IA) ». Le financement d’un tel revenu minimum universel (ou Universal Basic Income, UBI) reste nébuleux, mais il fait partie des réponses envisagées par de nombreuses personnalités de la Silicon Valley face au risque de remplacement de certains emplois par des programmes d’IA, ou pour indemniser les personnes dont les contributions sur Internet servent à entraîner ces programmes.

La valeur du « token » Worldcoin, initialement de 1,70 dollar, a bondi jusqu’à 3,58 dollars, avant de retomber à 2,30 dollars jeudi à midi, d’après le site CoinMarketCap. Cette cryptomonnaie n’est pour l’instant pas disponible aux Etats-Unis, où les autorités essaient de mieux encadrer ce secteur.

Le Monde avec AFP





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