Soyez heureux d’être locataire ! – ZDNet

Soyez heureux d’être locataire ! - ZDNet


Pendant l’épidémie de COVID, j’ai été frappée par un autre virus : celui de devenir propriétaire. Autant vous dire que ce n’est pas gagné, la preuve en est que je suis toujours locataire. Dans mes mauvais jours — les membres de mon salon Discord en font régulièrement les frais — je peste contre le marché immobilier francilien. Depuis que j’ai vu The Watcher, je suis temporairement guérie de mes envies de foncier, en tout cas, en France.

Carte postale

The Watcher s’inspire d’une histoire vraie, ce qui la rend parfaitement terrifiante. Là encore, j’ai surpris tout le monde. Alors que je classe très volontiers Sinister dans la catégorie « contes pour enfants » et que je me suis endormie devant Ring, Grudge et consorts, The Watcher m’a durablement traumatisé.

Un gentil couple, originaire de New York, souhaite s’installer en grande banlieue du New Jersey. Pour les Parisiens qui me lisent, ce serait l’équivalent du couple de Parisiens qui va s’installer à Chantilly. Ils achètent une superbe maison dans une ville chic du New Jersey, avec country club, pelouse bien tondue et voisins bien coiffés.

Quelques jours après leur installation, ils commencent à recevoir de curieuses lettres, signées « le veilleur ». Le ton de la première lettre n’étant pas particulièrement inquiétant, ils ne s’en formalisent pas. Va s’enchaîner une série d’évènements plus morbides et plus déroutants. Ils vont donc investir dans un système de sécurité afin de surveiller la maison, aussi bien en leur absence qu’en leur présence — vous comprendrez pourquoi en regardant la série.

Pourtant, la carte postale était parfaite. On a envie de vivre dans cette maison, dans cette ville, de s’y installer durablement. C’est ainsi qu’on se rappelle que ce qui paraît idéal ou parfait sur le papier ne l’est pas toujours en réalité.

Surveillance

On s’est tous collectivement habitués à être scruté en permanence, au point qu’on l’a oublié. Ce qui est paradoxal est que notre charmant couple ressent la surveillance quand il arrive dans cette nouvelle maison. Ils se sentent épiés, par le veilleur, mais aussi par leurs voisins. Les États-Unis ne sont pas connus pour être un paradis niveau vie privée. Même avant les attentats du 11 septembre, les différents programmes de surveillance étaient déjà bien installés.

Ce qui est intéressant est de s’interroger sur le paradoxe de la surveillance. Les Brannock s’installent dans une petite ville américaine, où tout le monde connaît tout le monde et où l’anonymat n’existe pas. Ils posent un système de sécurité qui leur permet de surveiller les impétrants et, dans le même mouvement, se sentent mal à l’aise parce qu’ils se savent surveillés. Est-ce parce que c’est un inconnu ? Pourtant, on ne sait pas nommément qui regarde les caméras de surveillance qui ont fleuri dans nos villes. En théorie, ce sont les forces de l’ordre qui y ont accès. Mais, on ne peut jamais en être sûr.

L’angoisse ne vient pas de la surveillance, mais de la perte de contrôle totale qu’elle implique. En France, on se rassure en se disant que la CNIL surveille les surveillants. Quand on a suivi tous les textes législatifs sur ce sujet, on sait que c’est bidon.

L’autre raison pour laquelle on a collectivement accepté cette surveillance tient peut-être à son inefficacité. On peut nous chanter sur tous les tons que ça aide à la prévention et à la résolution des crimes et des délits. La réalité est qu’on n’a jamais vu une caméra de surveillance empêcher un vol ou une agression. Selon la qualité de l’image, on peut éventuellement identifier une personne. En matière de police, rien ne remplace l’humain et les Brannock en sont bien conscients puisqu’ils passent la moitié de la série à faire le pied de grue au poste de police.

Réseaux asociaux

Pour des raisons qu’on vous laissera découvrir dans la série, la fille aînée des Brannock fait une vidéo sur les réseaux sociaux où elle dit ouvertement du mal de son père. Les conséquences se produisent dans la minute même de la diffusion. Le père subit des répercussions professionnelles assez graves et la mère est virée de son country-club dans le quart d’heure.

C’est le côté dramatique des réseaux sociaux, surtout — mais pas uniquement — avec les plus jeunes. Pour encore trop de gens, les réseaux sociaux sont un divertissement sans conséquence. La réalité est que chaque mot, chaque image, chaque film peut être détourné, amplifié, retourné. Une bêtise écrite à 15 ans sur Twitter peut ressortir des années plus tard et peu importe que vous ayez changé, évolué. Un seul exemple ? La Ligue du LOL.

Le problème de notre addiction généralisée aux réseaux sociaux est qu’on n’a plus le droit à l’erreur. On a tous fait des bêtises, plus ou moins grosses, plus ou moins graves. On a tous fait des choses dont on a honte. Mais, un employeur, un client, un compagnon ne risque pas forcément de tomber dessus en première page de résultats d’un moteur de recherche.

Pire encore, et c’est un phénomène inquiétant : la nouvelle mode qui consiste à tout filmer pour tout mettre en ligne finit par rendre paranoïaque et agoraphobe. Qui a envie d’avoir à affronter un apprenti paparazzi en allant acheter des tomates au supermarché ?

Pourtant, collectivement, on l’a accepté. Le concept de surveillance s’est déplacé. D’outil étatique, il a été transféré à tout un chacun, qui se sent autorisé à valider les comportements sociaux.

Enchaînement cauchemardesque

Pourquoi The Watcher m’a terrifié ? Le principe du cinéma d’horreur est de vous renvoyer à vos propres angoisses les plus profondes, les plus noires. Par un jeu de miroir, les voir à l’écran vous permet d’arriver à une forme d’apaisement. La fonction cathartique du cinéma d’horreur a été largement étudiée. Dit plus simplement : quand la journée a été longue, voir des zombies se faire découper par paquets de 25 peut vous permettre de dormir plus sereinement.

The Watcher a eu l’effet contraire et m’a donné mal au ventre. Voilà une famille qui met littéralement tout ce qu’elle a, pour acheter une belle maison. Sa situation financière s’avère plus précaire que prévu et les évènements vont faire que cela ne va pas s’arranger. Pire encore, elle se retrouve à la merci d’un chantage, pour arriver à s’en sortir.

L’idée d’avoir un fil à la patte m’a toujours terrifié. Je veux être capable de tout plaquer du jour au lendemain si nécessaire, d’où le qualificatif de virus pour parler de mon envie d’être propriétaire. Voir une famille s’endetter pour avoir son rêve et voir ce rêve tourner au cauchemar a douché mon enthousiasme, même si j’ai eu des interrogations.

Quand j’ai emménagé dans mon appartement actuel, c’est limite si je n’ai pas demandé un extrait de casier judiciaire de mes voisins. J’ai demandé les plans, toutes les informations sur le bâtiment, j’ai tout examiné à la loupe. Pourtant, je ne suis que locataire. Si je me décide à acheter un bien — en France ou ailleurs — je suis largement capable de demander l’arbre généalogique de mes voisins, s’ils sont vaccinés, l’état de la plomberie, de l’ascenseur et l’âge du capitaine. La légèreté des Brannock m’a clairement interpellé et m’a rendu encore plus paranoïaque.

The Watcher, disponible sur Netflix, est une très bonne réalisation. On n’est pas sur du film d’horreur, plutôt de l’angoisse, qui fonctionne très bien. Les audiences ont été au rendez-vous puisque le webzine iHorror nous a appris qu’une saison 2 était en cours de production.





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