Annoncé en même temps que l’iPad 2022, de dixième génération, l’iPad Pro 12,9 pouces de sixième génération a jusqu’à présent surtout fait parler de lui à cause de ses nouveaux tarifs, pour le moins exorbitants sous nos latitudes. Il faut dire, pour être tout à fait franc, que cette édition ne croule pas sous les nouveautés. En comptant sur nos doigts, on en relève seulement trois d’importance, et encore parce qu’on n’arrive pas à plier à moitié un doigt. La plus évidente est bien entendu l’arrivée de la puce M2, déjà entraperçue dans les MacBook Air et MacBook Pro 13 pouces en juin dernier. La deuxième est l’introduction d’iPadOS 16 et du très attendu Stage Manager. Enfin, la troisième ou deuxième nouveauté et demie est une surprise réservée aux adeptes de l’Apple Pencil, la fonction « Hover ».
Cette nouveauté ergonomique sert donc de queue de cerise sur un gâteau un peu sec au sujet duquel au moins deux questions se posent. La première et primordiale étant : que vaut cet iPad Pro vendu à prix d’or ? La seconde en découle : pour qui est cet iPad Pro ?
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Pour ce qui est la connectique sans-fil, l’iPad Pro 2022 met également la barre au plus haut. Il est toujours compatible avec la 5G, mais peut désormais aussi se connecter aux meilleurs réseaux Wi-Fi. La tablette est en effet le premier produit d’Apple à être compatible avec le Wi-Fi 6E, qui ajoute une véritable troisième bande de fréquences, toute nouvelle, en 6 GHz.
Enfin, l’iPad Pro adopte également le Bluetooth 5.3, ce qui promet une compatibilité avec l’audio lossless, un jour, quand les casques d’Apple le supporteront.
M2, toujours encore plus très beaucoup puissant, vraiment
L’an dernier, Apple créait la surprise en introduisant le M1 dans l’iPad Pro alors qu’on attendait un A15X ou Z Bionic. On n’y perdait pas au change, et la plupart des utilisateurs, professionnels ou particuliers, avaient alors largement de quoi travailler et s’amuser. Avec le M2, Apple continue à abattre une carte maîtresse, comme pour rappeler que dans le petit monde du rapport performance/Watts, il règne actuellement en maître, en attendant que Qualcomm vienne le chatouiller.
Avec ses huit cœurs CPU, ses dix cœurs GPU et ses 16 cœurs neuronaux, le M2 qu’on a entre les mains est rigoureusement identique à celui qui s’embarque dans les versions les plus performantes des MacBook Air et Pro 13 pouces. Apple annonce assez sereinement un gain d’environ 15% pour la partie CPU, et de 35% pour la partie GPU par rapport au M1.
Comme l’an dernier, les modèles qui offrent 128, 256, et 512 Go de stockage sont équipés de 8 Go de mémoire unifiée, tandis que les deux modèles les mieux lotis, 1 et 2 To, ont droit à 16 Go de mémoire vive. Notre modèle de test en profite puisqu’il embarque 1 To de stockage.
Passons à nos tests. Avec un outil de tests synthétiques comme Geekbench, on constate que les promesses d’Apple sont tenues, voire dépassées.
Ainsi, en multicore, l’iPad Pro 2022 obtient un score de 8 268, soit un peu plus de 13% de mieux que l’iPad Pro 2021 équivalent. Quand on se penche sur la partie graphique (Compute), on enregistre un score de 31 538, contre 21 428 l’an dernier. C’est un peu plus de 47% de mieux.
Ce gain de puissance ne va pas se traduire par davantage de fluidité dans l’interface d’iPadOS, ou dans des jeux foncièrement plus jolis. En revanche, il est fort possible que vous gagniez du temps, quelques secondes deci, delà dans des opérations longues. Si vous éditez et modifiez de gros clichés, par exemple, ou si vous réalisez des prémontages 4K sur votre iPad Pro, avant de finaliser les choses sur un Mac.
Il faudra toutefois faire attention, avec un outil comme 3Dmark Wild Life, on constate que quand la puce M2 est sollicitée beaucoup et longtemps, plusieurs dizaines de minutes d’affilée, elle aura tendance à throttler. C’est-à-dire qu’elle réduira ses performances pour ne pas trop chauffer. Après avoir exécuté vingt boucles de rendus exigeants, cet outil accorde ainsi à l’iPad Pro 12,9 pouces un score de stabilité de ses performances de seulement 64%. Notons toutefois que même à son moins bon, le M2 assure des résultats supérieurs à ceux du M1 quand il chauffait également.
Enfin, pour en finir avec les résultats de tests de puissance, intéressons-nous à un aspect de plus en plus essentiel : les capacités des SoC Apple Silicon à venir à bout rapidement de tâches reposant sur le machine learning.
Depuis l’introduction du premier Neural Engine dans l’A11 Bionic, en 2017, Apple intensifie ses efforts en la matière. Le Neural Engine du M2 est capable d’exister 15,8 mille milliards d’opérations à la seconde, contre 11 pour celui du M1 l’an dernier.
Il suffit de faire fonctionner un programme de test synthétique comme Geekbench ML pour se rendre compte du gain offert par cette nouvelle puce. L’application des filtres intelligents, la reconnaissance de sujets dans une photo, de texte dans une vidéo, le détourage de personnes ou d’objets dans une image, tout va aller beaucoup plus vite.
Cette puissance est d’autant plus importante qu’elle sous-tend aussi bien les nouvelles fonctions intégrées à iPadOS que celles introduites par les éditeurs tiers dans leurs applications. C’est donc un point à ne pas négliger.
Toutefois, il faut reconnaître que seuls les utilisateurs « pros », ou ceux qui en demandent beaucoup à leur tablette, verront la différence. Bien entendu, il est difficile de dire non à plus de puissance et de fluidité dans les calculs lourds, mais de là à dire que le M2 révolutionne tout, il y a un gigantesque pas, que nous nous garderons bien de franchir.
Photo et vidéo, en accéléré
Mais le M2 s’accompagne également d’un media engine de nouvelle génération, qui apporte de nouvelles fonctions, comme l’encodage et le décodage accélérés des vidéos ProRes. Les modules caméra arrière de l’iPad Pro, sans être exceptionnels, surtout quand la lumière baisse, sont justement capables de filmer en ProRes. Apple semble penser (savoir ?) que certains des utilisateurs d’iPad Pro s’en servent comme d’une caméra. On veut bien le croire.
Toutefois, on préfère mille fois un iPhone, plus compact et bien mieux doté d’un point de vue des optiques et des capteurs. L’iPad Pro s’est amélioré au fil du temps en photo et vidéo, mais il ne joue pas dans la même catégorie que le smartphone d’Apple. Dès que la lumière baisse, n’espérez plus vous en servir et obtenir de beaux clichés. Idem pour les portraits, malgré son lidar, fort utile pour les expériences de réalité augmentée et les effets d’occlusion.
Le mode Portrait sur le module avant n’est pas toujours convaincant non plus, avec des ratés parfois troublants, notamment quand il n’arrive pas à décider si un objet en léger arrière-plan doit être intégré au bokeh logiciel ou rester net.
On est bien davantage convaincu par la caméra True Depth ultra grand-angle et sa fonction Cadre centré qui fait en sorte que vous restiez toujours au centre de la vidéo même quand vous bougez un peu. Elle adapte également la largeur du plan en fonction du nombre de personnes à cadrer. Pratique quand les enfants viennent glisser une tête et faire un coucou à leur grand-mère pendant une conversation FaceTime. Bien entendu, une fois encore, essayez de maintenir le maximum de lumière pour éviter le bruit numérique et une trop forte dégradation de la vidéo.
Enfin, pour clore ce point rapide sur la partie caméra, on ne comprend pas pourquoi la Webcam avant se trouve toujours sur le côté gauche (en mode paysage avec un clavier) alors que le nouvel iPad (celui de dixième génération) a vu la sienne glisser sur la partie supérieure (toujours dans cette même orientation). Ce qui est évidemment bien plus pertinent quand on entend mettre en avant la capacité d’un iPad Pro à être aussi un Mac…
Une autonomie de Pro
On a beau avoir déjà constaté les prouesses réalisées par les puces Apple Silicon, avec un rapport performances/Watts qui force le respect, on peut toujours légitimement s’interroger sur les effets de cette puissance déployée sur l’autonomie.
En l’occurrence, les iPad Pro sont généralement les bons élèves de la famille. Logique, ils sont les plus grands et peuvent donc ménager davantage de place à une batterie d’une belle capacité.
Nous avons donc soumis l’iPad Pro 12,9 pouces de 2022 aux deux tests de notre 01Lab. Le premier est notre test d’autonomie dite polyvalente qui simule un enchaînement d’usages quotidiens sans interruption jusqu’à ce que la batterie soit vide. En l’occurrence, l’iPad Pro 2022 grand format a tenu 14h, avant de s’éteindre. C’est non seulement un excellent résultat, mais également le meilleur que nous ayons jamais enregistré avec une tablette pour ce test.
Le second consiste à streamer un film, une fois encore, jusqu’à ce que l’iPad Pro rende l’âme. Le modèle 2022 n’a pas réussi un doublé avec ce test, il a tenu 10h40 en streaming vidéo. Ce résultat est bon, et le place dans le haut du panier, mais loin derrière d’autres iPad Pro et non Pro d’ailleurs.
Ainsi l’iPad Pro 12,9 pouces 2021 tenait 25 minutes de plus dans cet exercice. La palme revenant à l’iPad Pro 11 pouces 2021, avec ses 12h19.
Mais si on veut une machine avec un M2 vraiment endurante, c’est du côté des MacBook qu’il faut chercher.
Dans les faits, ces tests sont avant tout un moyen de pouvoir à la fois comparer les générations et de donner un aperçu de ce à quoi s’attendre. En l’espèce, l’iPad Pro 2022 aura les épaules pour vous accompagner pendant de longues sessions de travail. Si vos tâches sont dominées par la bureautique et le Web, vous pourrez peut-être même espérer tenir toute votre journée studieuse. En revanche, si vous faite de l’édition de vidéos ou vous lancez dans des rendus 3D, ou pourquoi pas un marathon de jeux vidéo, il faudra évidemment vous éloigner moins longtemps d’une prise électrique.
Dans tous les cas, vous saurez que vous aurez entre les mains ce qui se fait de mieux en matière d’autonomie sur une tablette. Le tout dépendant, vous l’aurez compris, de vos usages.
iPadOS 16 et Stage Manager, jamais aussi près de réussir
Et les usages sont étroitement dépendants du système d’exploitation et des applications disponibles. Pour la seconde partie, Apple a résolu le problème des applis adaptées à ses tablettes il y a bien longtemps, et est même en train de franchir un nouveau cap. Les grands éditeurs, qui développaient jusqu’à présent des logiciels pro référents pour Mac, s’intéressent de plus en plus aux tablettes pro d’Apple. En tout cas, ils y portent leurs applications phares. C’est le cas de DaVinci Resolve qui arrivera bientôt, d’Octane X, qui suivra le même chemin, ou d’un Affinity Photo, déjà bien présent mais de plus en plus impressionnant, par exemple.
Pour la partie système d’exploitation, l’année 2022 restera dans les annales. Outre qu’iPadOS introduit son lot de nouveautés habituelles, dont certaines permettent de détourer des sujets dans une photo d’une simple pression du doigt, la grosse nouveauté, celle qu’on attendait – et qui a d’ailleurs retardé le lancement d’iPadOS 16, est évidemment Stage Manager.
Apple essaie depuis longtemps de trouver un moyen de contourner les limites d’une interface pensée pour le tactile dans un contexte de productivité proche de ce que propose un Mac ou un PC. Le multitâche a progressé par sauts de puce depuis 2019, mais sans atteindre le niveau souhaité. Est-ce que Stage Manager y arrive ?
Non, pas encore, mais on y est presque, ou en tout cas on n’a jamais été aussi proche du but. Les progrès sont colossaux et le gain en fluidité mérite d’être salués. La possibilité de faire cohabiter des applications plein écran avec d’autres fenêtrées, qui occupe seule ou à plusieurs un des quatre espaces disponibles, est une bénédiction. Pour certaines tâches, on y gagne vraiment, mais il y encore quelques petits soucis, notamment quand on commence à vouloir intensifier son usage ou affiner la répartition des fenêtres, où on manque encore de liberté et de souplesse.
Et, d’une certaine manière, au-delà de quelques petits bugs ou mini ratés ergonomiques, notamment quand on utilise un trackpad, le plus gros reproche qu’on pourrait faire à Stage Manager sur iPadOS 16 est de ne pas proposer, comme sur Mac, d’accéder à un bureau. Mine de rien, cela changerait tout, surtout pour ceux qui vont souvent chercher, sur cet espace partagé, une image, un document quelconque et les glisse et dépose sans y penser.
On a bien conscience qu’en l’occurrence, on demande à iPadOS d’être macOS, mais c’est ce vers quoi Apple semble vouloir tendre en définitive.
Sur le spectre des ergonomies, on a d’un côté le tactile monolithique et séquentiel, qui limite les interactions avec la fenêtre de l’application, et de l’autre, à l’extrême opposé, les fenêtres flottantes, redimensionnables rapidement d’un clic, déplaçables, masquables le temps d’accéder au bureau, qui permettent de virevolter d’une tâche à l’autre. Deux voies très différentes, qui doivent cohabiter au sein d’un produit, l’iPad.
En dotant l’iPad Pro de tant de puissance, d’un écran incroyable, d’une connectique de pointe (à défaut d’être nombreuse), Apple ne fait que braquer des projecteurs énormes sur la différence de maturité entre matériel et logiciel dans ses tablettes haut de gamme. Ce doit être en définitive aussi frustrant pour les ingénieurs d’Apple que ça ne l’est pour nous, les utilisateurs. Mais une certitude en ressort, l’iPad Pro plus polyvalent n’offre pas encore autant de fluidité et de souplesse qu’un Mac pour utilisateurs qui veulent que cela aille vite.
Ce qui ne change pas, et c’est tant mieux…
Une fois n’est pas coutume, terminons par ce qui ouvre habituellement le bal : le design. L’iPad Pro 2022 conserve avec scrupule la même apparence, les mêmes matériaux (l’aluminium) et les mêmes dimensions que la version 2021. Apple n’y apporte aucune modification. Ce n’est en soi pas un souci, les tranches marquées et verticales, franches, sont agréables à tenir en main et contempler. On a devant soi un produit très élégant, incroyablement bien fini, et qui fait la part belle à l’affichage.
La dalle de 12,9 pouces est d’ailleurs toujours aussi exceptionnelle. Elle s’offre le luxe d’obtenir des résultats en luminosité et contraste supérieurs à ceux de l’iPad 2021 qui introduisait pourtant avec brio la dalle Liquid Retina XDR. Rappelons d’ailleurs que les iPad Pro 12,9 pouces sont toujours les seuls à profiter de la technologie mini-LED pour leur rétro éclairage. Apple en prive son modèle 11 pouces pour une raison qui nous échappe et que le géant de Cupertino ne souhaite pas donner.
Quoi qu’il en soit, avec une luminosité de 631 cd/m2, l’iPad Pro 2022 est un des plus lumineux que nous ayons eu entre les mains, le modèle de 2020 faisait très légèrement mieux. En revanche, en matière de contraste, il n’y a pas l’ombre d’un doute, le modèle 12,9 pouces de cette année offre ce qui se fait de mieux et de loin. Avec un taux de contraste de 63100:1, il est encore mieux contrasté que son aîné direct – on en oublie presque nos rêves d’OLED. Cette dalle est donc vraiment exceptionnelle.
Et son Delta E 2000 est tout aussi incroyable. Ainsi, en sRGB, le 01Lab a mesuré un Delta E de 1,64, tandis qu’en DCI-P3, l’indice de différence entre la couleur affichée et la couleur réelle est tout aussi impressionnant, à 3,03. Le travail de calibration des dalles en usine est tout bonnement une bénédiction pour ceux qui veulent travailler sérieusement à manipuler des images ou des vidéos.
Bien entendu, les autres technologies d’affichage maison d’Apple sont de la partie. On retrouve donc la technologie P3, qui assure un large gamut de couleurs, le ProMotion qui a de nombreux atouts. Il y a bien sûr la possibilité de faire varier automatiquement la vitesse de rafraîchissement de la dalle de 24 à 120 Hz, en fonction des contenus affichés, film ou jeux vidéo, par exemple. Mais la technologie ProMotion s’assure également que l’expérience d’utilisation avec le stylet soit la plus fluide possible, la moins soumise à d’éventuelles latences.
Enfin, True Tone est aussi présent et toujours une bénédiction pour les yeux fatigués en fin de journée. Elle ajuste en effet la « chaleur » de l’affichage en fonction de la luminosité ambiante, évitant ainsi que la dalle de l’iPad Pro soit trop blanche quand la lumière environnante est plus mordorée.
Ce qui ne change pas, et c’est tant pis…
Si on aime le design de l’iPad Pro, il est vrai qu’on aurait aimé le voir évoluer un peu également. Des rumeurs laissaient penser que la technologie MagSafe pourrait arriver sur cette tablette, avec un dos en verre. A franchement parler, la recharge par induction ne nous semble pas une solution assez efficace énergétiquement pour être écologiquement souhaitable, mais elle pourrait en revanche être utile, en charge inversée, pour recharger une Watch, dès AirPods ou un iPhone, pour dépanner ponctuellement. Pour l’heure, il faudra brancher l’iPhone ou la Watch au port USB-C de la tablette.
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Mais au-delà de cette envie, anecdotique, ce qu’on regrette surtout c’est qu’Apple n’ait pas mis à jour le Magic Keyboard. Qu’on ne se méprenne pas, la course des touches est toujours aussi agréable, et il est plaisant de saisir de longs textes sur ce clavier. Néanmoins, on aurait vraiment aimé qu’Apple lui accorde le même traitement qu’au nouveau clavier de l’iPad de dixième génération, le Magic Keyboard Folio. Voir ajouter une rangée de touches multimédias, Exposé, etc. et de fonction en haut du clavier aurait été une vraie bonne nouvelle. Sans même parler du Graal, la touche Escape.
On essaiera de se consoler en rêvant que les ingénieurs d’Apple sont en train de développer un vrai clavier Magic polyvalent, capable de surélever l’iPad Pro pour travailler mais aussi de se faire oublier quand on veut l’utiliser comme une tablette.