C’est une innovation qui risque de ne pas passer inaperçue. En réponse à l’horrible tuerie d’Uvalde, le célèbre concepteur d’armes non létales dit plancher sur un drone qui permettrait d’envoyer une décharge électrique à un individu menaçant, notamment dans les écoles. Les associations de défense des libertés sont vent debout contre ce projet.
Que faire pour éviter une nouvelle tuerie de masse aux Etats-Unis ? Après le choc qu’a représenté la tragédie d’Uvalde, au Texas, le pays se déchire une énième fois autour du port d’armes, entre défenseurs d’une législation bien plus stricte, et extrémistes du deuxième amendement de la Constitution.
Axon, entreprise célèbre pour avoir conçu les pistolets à impulsion électrique Taser, estime avoir trouvé LA solution pour réconcilier ces deux camps. Elle a annoncé, par le biais d’un communiqué de presse, travailler sur un drone… capable, comme un Taser, de neutraliser un individu dangereux en moins de 60 secondes par électrochoc.
Un pavé dans la marre
Le produit d’Axon n’en est qu’au stade du projet : les images que nous vous présentons ici sont des modèles 3D, et aucune caractéristique (autonomie, portée, puissance…) n’a été véritablement définie à ce stade. Axon est en pourparlers avec divers fabricants de drones et précise qu’il choisira son partenaire hardware plus tard cette année.
En réalité, en dévoilant ses plans aujourd’hui, l’entreprise souhaite surtout s’immiscer avec fracas dans les débats qui font rage actuellement outre-Atlantique… et potentiellement inaugurer un nouveau marché juteux.
« A la suite de ces événements (la tuerie d’Uvalde, ndlr), nous nous retrouvons coincés dans des débats stériles. Nous avons besoin de solutions nouvelles et meilleures. Pour cette raison, nous avons choisi d’engager publiquement les communautés et les parties prenantes, et de développer un système de drone non létal télécommandé. Nous croyons que ce sera une option plus efficace, immédiate, humaine et éthique pour protéger les innocents » détaille Rick Smith, cofondateur et patron d’Axon, dans le communiqué.
Selon Axon, le développement de ce drone fait partie d’une stratégie plus large, qui consisterait, à grand renfort de technologies de surveillance, à accélérer les interventions des forces de l’ordre pour neutraliser un dangereux tireur au plus vite.
Cette stratégie suppose notamment de truffer les écoles de capteurs et de caméras intelligentes, qui permettraient au drone d’être dirigé correctement dans le bâtiment où la tragédie a lieu. Dans le même temps, Axon annonce qu’il développera des algorithmes de ciblage qui aideront les opérateurs du drone à « viser correctement et en toute sécurité ».
« Les robots ne doivent pas être armés »
L’annonce a immédiatement provoqué une levée de boucliers… y compris en interne. Dans la foulée de son communiqué, Axon en a publié un autre, rédigé par son comité d’éthique sur l’intelligence artificielle, qui n’a qu’un rôle consultatif.
In response to today’s announcement… We have included a statement from the Axon AI Ethics Advisory Board. pic.twitter.com/7FDgmImhnU
— Axon (@axon_us) June 2, 2022
Or, le comité se dit complètement opposé à ce projet, qu’il estime « profondément regrettable », voire… orwellien. Le comité rappelle ainsi que d’après ce projet, ces drones pourraient être télécommandés par des opérateurs privés, pas seulement des policiers… Et que le système de surveillance qu’il faudrait intégrer dans les établissement scolaires n’a jamais été évoqué en interne.
L’Electronic Frontier Foundation, célèbre ONG qui défend les libertés numériques, s’est également fendu d’un long communiqué pour critiquer la décision du fabricant des Taser.
« C’est une idée dangereuse pour de nombreuses raisons. D’abord parce que les drones armés s’infiltreront peu à peu dans les missions quotidiennes des services de police » explique le communiqué.
« Nous ne pouvons pas le dire plus clairement : si la police met la main sur des drones Taser, ils ne resteront pas stockés dans un entrepôt en attendant la prochaine tuerie de masse. Nous les verrons voler au-dessus de manifestants et dans les rues commerçantes. ».
L’organisation reproche également l’opération à distance, qui n’a rien à voir avec l’emploi d’un Taser sur une personne à proximité immédiate d’un policier. « La police sera plus à même d’utiliser cette force si tout le processus ressemble à un jeu vidéo, s’il est possible d’envoyer une décharge de plusieurs milliers de volts d’une pression de bouton à distance ».
L’EFF, qui critique enfin vertement la surveillance de masse qui découlerait d’un tel projet, demande donc que « les drones de police armés ne voient jamais le jour ». Sera-ce suffisant pour faire reculer Axon ? Rien n’est moins sûr.
Source :
Axon