TikTok accusé d’espionner l’Amérique et de corrompre la jeunesse

la CNIL condamne TikTok à une amende de 5 millions d’euros


Pour les cinéphiles, Rapid City, au pied du mont Rushmore, évoque les espions soviétiques traquant Cary Grant dans La Mort aux trousses (1959), d’Alfred Hitchcock. Une soixantaine d’années plus tard, la première ville du Dakota du Sud était aux prises avec d’autres espions supposés : les Chinois et leur réseau social TikTok. Le conseiller municipal Jason Salamun voulait bannir l’application de la cité, évoquant les risques pour la sécurité nationale. Il avait pour opposante la conseillère Laura Armstrong, qui estimait que Rapid City avait d’autres chats à fouetter et qu’il n’y avait aucune preuve de l’espionnage chinois. Finalement, le conseil a rejeté début janvier la proposition, à la grande joie de Mme Armstrong : « Je ne suis pas une grande partisane du gouvernement chinois, mais être happé par ce que j’estime être un maccarthysme médiatique n’est pas la solution », a déclaré l’édile au Wall Street Journal.

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La comparaison est assez juste : depuis deux ans et demi, les Etats-Unis sont pris dans une cabale contre TikTok, mélange de paranoïa antichinoise et de puritanisme, l’application étant accusée de dévoyer la jeunesse avec des incitations sexuelles ou des conseils addictifs et dangereux, par exemple sur les régimes alimentaires, l’alcool ou la drogue. L’Etat de l’Indiana a lancé des poursuites dans ce sens. L’ennui, c’est que l’application a dépassé ses concurrents américains, notamment Instagram, et fait un tabac avec quelque cent millions d’utilisateurs. Et dans la petite ville de Rapid City, elle est présente partout : les pompiers l’utilisent pour recruter ; la société de ramassage des ordures pour expliquer aux citoyens comment disposer leurs déchets ; le centre culturel pour faire la promotion de ses musiciens.

Lorsqu’en décembre 2022 la gouverneure du Dakota du Sud, la républicaine Kristi Noem, a interdit l’usage de TikTok sur tous les appareils détenus par l’Etat, ce fut la consternation : le département du tourisme local, qui comptait soixante mille abonnés, a dû supprimer son application ; la radiotélévision publique a dû faire de même, tout comme les six universités publiques de l’Etat. Faut-il interdire TikTok sous prétexte que la firme pourrait aspirer les données privées au profit du Parti communiste chinois et manipuler la population américaine ?

« Un cheval de Troie »

Le combat a commencé en août 2020 sous Donald Trump, qui avait déjà voulu bannir le matériel téléphonique de la firme chinoise Huawei, soupçonnée de pouvoir espionner ou manipuler à distance les Américains. Mais devant l’impossibilité politique d’interdire l’application TikTok si populaire, le président républicain avait voulu l’américaniser, forcer la vente de ses activités aux Etats-Unis par son propriétaire ByteDance avant le 15 septembre 2020. Microsoft s’était montré intéressé, mais l’accord avait échoué lorsqu’il s’était avéré que la firme fondée par Bill Gates n’aurait pas accès au logiciel qui rend TikTok si efficace. Oracle et Walmart avaient pris le relais, proposant de stocker les données et de réaliser la modération du réseau social, mais l’affaire ne s’était pas faite non plus. Joe Biden, une fois installé à la Maison Blanche, en janvier 2021, a renoncé à la voie de l’américanisation forcée, après que des décisions de justice l’eurent rendue impraticable.

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