Un nouveau front judiciaire vient de se rouvrir en France pour les principaux éditeurs de sites pornographiques. La Cour de cassation a rendu, mercredi 18 octobre, une décision jugeant recevable l’action de plusieurs associations de protection de l’enfance demandant à la justice d’ordonner le blocage de plusieurs sites ne contrôlant pas l’âge de leurs visiteurs.
Cette procédure a démarré il y a deux ans, en mars 2021 quand les associations e-Enfance et La Voix de l’enfant ont assigné en référé les principaux fournisseurs d’accès à Internet, et souhaité que le tribunal ordonne le blocage de neuf sites pornographiques : Pornhub, MrSexe, Iciporno, Xnxx, Xvideos, YouPorn, Redtube, Tukif et xHamster. Les associations s’appuyaient sur une loi de juillet 2020 qui oblige les éditeurs à vérifier l’âge de leurs visiteurs pour empêcher des internautes mineurs de consulter leurs contenus. Ce texte rend caduque la simple déclaration sur l’honneur affichée en page d’accueil de la plupart des sites du marché.
Quelques mois plus tard, le tribunal judiciaire de Paris avait rejeté la demande des associations, estimant – comme les fournisseurs d’accès à Internet – qu’elles devaient d’abord viser les éditeurs et hébergeurs des sites concernés. Cette décision avait été suivie par la cour d’appel. Ce n’est pas de l’avis de la Cour de cassation, qui a donc renvoyé le dossier devant la cour d’appel.
Une longue bataille des autorités
Aboutira-t-on un jour au blocage des leaders du streaming pornographique en France ? Depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2020, aucune procédure n’est parvenue à son terme et aussi bien l’Arcom (le gendarme des médias) que le gouvernement constatent que les éditeurs de sites ne se sont toujours pas mis en conformité. Les plus gros acteurs, comme la maison mère de Pornhub, Ethical Capital Partners, ont également entamé un processus médiatique pour protester contre une réglementation qu’ils estiment dangereuse. La plupart des grands éditeurs assurent qu’il est impossible de mettre en place une méthode de vérification d’âge sans mettre en danger la vie privée de leurs utilisateurs.
Sur le plan judiciaire, l’Arcom a aussi saisi la justice pour demander le blocage de cinq sites pornographiques, dont plusieurs étaient déjà visés par e-Enfance et La Voix de l’enfant. Pour le moment, aucune décision n’a été rendue, le tribunal judiciaire de Paris ayant sursis à statuer dans l’attente de l’examen d’un recours devant le Conseil d’Etat. Constatant les difficultés rencontrées devant le juge, le gouvernement a introduit, dans le projet de loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique (SREN, adopté mardi par l’Assemblée nationale), une procédure de blocage administratif des sites : l’Arcom pourra directement demander aux fournisseurs d’accès à Internet d’empêcher leurs clients d’accéder aux sites visés.