Au Kenya, des sous-traitants de l’intelligence artificielle créent le premier syndicat africain des modérateurs de contenu

Au Kenya, des sous-traitants de l’intelligence artificielle créent le premier syndicat africain des modérateurs de contenu


Une deuxième tentative fructueuse. Plus de cent cinquante employés d’entreprises sous-traitantes de Meta, OpenAI ou ByteDance ont voté, lundi 1er mai, à Nairobi, pour la création du premier syndicat africain des modérateurs de contenu, sur fond de bataille juridique contre les géants des réseaux sociaux, ont rapporté plusieurs médias.

Ces professionnels travaillent ou ont travaillé au service de Facebook, TikTok on encore ChatGPT dans des conditions qu’ils jugent « indignes » et au détriment de leur santé mentale. A l’occasion de la Journée internationale des travailleurs, ils se sont réunis à l’hôtel Mövenpick de la capitale kényane pour revendiquer une amélioration de leurs conditions de travail, qu’ils souhaitent plus « justes », « sûres » et « équitables ».

La création de leur syndicat est le résultat de plusieurs mois de revendications de travailleurs originaires de plusieurs pays d’Afrique. Ainsi que de nombreux licenciements contestés, dont celui de Daniel Motaung, modérateur de contenus sur Facebook, par la société Sama, chargée depuis 2019 de la modération des contenus sur Facebook pour des pays d’Afrique de l’Est et du Sud. Le salarié avait tenté de former un syndicat appelé Alliance en 2019, selon des informations de l’hebdomadaire américain Time.

Employé sud-africain, Daniel Motaung a porté plainte en mai 2022 contre Meta et Sama au Kenya, dénonçant des conditions de travail « indignes », des méthodes d’embauche trompeuses, des rémunérations irrégulières et insuffisantes ainsi que l’absence de soutien psychologique.

De nombreuses actions en justice

Les modérateurs sont confrontés à une multiplicité d’images insoutenables. Trevin Brownie, modérateur sud-africain qui a accordé un entretien à la BBC, rapporte avoir vu le pire de l’humanité, de la maltraitance infantile à la torture et aux attentats-suicides. Il se rappelle avoir été malade son premier jour de travail après des images montrant le suicide d’un homme devant un enfant. « Je vomissais », raconte-t-il. Ces images sont, avec le temps, « devenues une norme pour moi », dit-il à la rédaction britannique. « J’ai sacrifié mon humanité pour ce travail. Je ne pense pas que vous puissiez donner plus que votre âme, puis être expulsé comme ça. »

Il a été licencié au mois de mars par la société Sama, à l’instar de 259 de ses collègues, et a alors intenté une action en justice contre Meta, maison mère de Facebook et Sama. Quarante-trois salariés de Sama ont déposé une plainte le 17 mars pour licenciement « illégal », 140 les ont rejoints. Une action judiciaire concerne également la société Majorel, l’entreprise qui doit récupérer le contrat liant Meta et Sama après la fin prochaine de celui-ci.

Dans leur plainte consultée par l’Agence France-Presse, les employés considèrent leur licenciement « illégal car sans justification » et s’indignent d’« une procédure (…) injuste ». Ils dénoncent aussi une discrimination menée par Meta et Majorel : les salariés de Sama ayant postulé pour travailler chez Majorel auraient vu leurs candidatures bloquées.

Meta estime qu’il ne peut être poursuivi

Les avocats de Meta affirment que le géant américain des réseaux sociaux – qui détient également Instagram et WhatsApp – ne peut être poursuivi, estimant notamment que le Tribunal de l’emploi et des relations du travail de Nairobi n’est pas compétent car le groupe n’est pas implanté au Kenya. Ils font par ailleurs valoir que le groupe n’est lié par aucun contrat de travail avec les plaignants. Mais le tribunal a « conclu que cette cour est compétente pour statuer sur la question d’un prétendu licenciement illégal et abusif », selon une décision rendue le jeudi 18 avril.

La justice kényane a également prolongé la suspension des licenciements qu’il avait prononcée le 21 mars, dans l’attente d’un jugement sur le fond. « C’est une étape importante. (…) Lorsque des géants de la technologie font du mal au Kenya, il est juste qu’ils répondent à la justice kényane. Aucun géant de la technologie, aussi riche soit-il, ne doit être au-dessus des lois », s’est félicité dans un communiqué Cori Crider, la directrice de l’association Foxglove, qui soutient la plainte.

Le Monde avec AFP



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