comment Elon Musk a contribué à diffuser de la désinformation après l’attaque du Hamas

comment Elon Musk a contribué à diffuser de la désinformation après l’attaque du Hamas


Un cloaque, un bazar, un chaos. Les mots manquent pour qualifier la zizanie sur X (anciennement Twitter) où, depuis les attaques terroristes du Hamas le 7 octobre en Israël, les informations fiables n’ont jamais semblé être autant noyées sous les contenus sensationnalistes, haineux ou attrape clics.

A l’image du fils de Donald Trump, qui a diffusé à ses 10,5 millions d’abonnés une vidéo sanglante présentée comme venant d’Israël, alors que celle-ci circule depuis 2015. Le message de Donald Trump Jr n’a pas été modéré. Plus gênant encore, en raison de sa pastille bleue, qui signifiait avant l’ère Musk qu’il s’agissait d’une source certifiée et qui indique désormais seulement que son utilisateur a payé pour l’avoir, il a même été mis en avant par les algorithmes de la messagerie. Il ne s’agit là que d’un exemple parmi tant d’autres. « Pour plein de raisons, c’est la pire crise que j’ai eu à couvrir ici », s’est plaint, dimanche 8 octobre, Justin Peden, journaliste d’enquête et de vérification en ligne (Open Source Intelligence) américain.

L’évolution par rapport à la guerre en Ukraine est flagrante. En février 2022, quand les troupes russes se pressaient à la frontière ukrainienne, de nombreux comptes d’observateurs méticuleux utilisant des sources en accès ouvert, qu’ils soient professionnels (comme le média Bellingcat) ou amateurs (comme le collectif Little Think Tank). Leur audience avait décuplé alors qu’ils s’imposaient comme de précieuses sources secondaires pour suivre le conflit en dépit des jeux d’intox des belligérants. Et ce malgré des ratés, comme la suspension temporaire accidentelle de certains d’entre eux ou la concurrence inépuisable des relais de la propagande du Kremlin.

Les « notes de la communauté » comme garde-fou

Vingt mois plus tard, le paysage a radicalement changé. Entre-temps, Elon Musk a racheté Twitter en octobre 2022, et chacune de ses décisions a fragilisé un équilibre informationnel déjà précaire. L’une de ses premières décisions a été de renverser la hiérarchie de l’information. Fini la mise en avant des comptes certifiés – célébrités, médias, Etats, journalistes, censés être comptables de leur parole. La révolution des comptes « Blue », abonnement assurant une meilleure visibilité, voit désormais l’algorithme promouvoir des comptes mus par la recherche d’audience ou d’influence, avec leur cohorte de posts sensationnalistes, trompeurs et haineux, comme celui de Donald Trump Jr.

Dans le même temps, la plate-forme a taillé dans ses effectifs et s’accroche désormais aux « notes de la communauté », des réponses censées apporter du contexte à un tweet erroné, pour modérer les débats. Mais le nombre des participants ne compense pas toujours l’amateurisme, certaines notes de contexte étant elles-mêmes mal sourcées ou erronées. Quand elles existent. X s’est félicité que 500 d’entre elles aient été rédigées depuis le 7 octobre. Mais elles sont bien insuffisantes pour écoper la quantité de contenus trompeurs. Selon un décompte de NBC News, sur 120 posts reprenant la rumeur selon laquelle Joe Biden aurait voté une aide de 8 millions de dollars à Israël, seuls 8 % étaient accompagnés d’un texte correctif.

Début octobre, Elon Musk a également entériné une modification de l’interface empêchant l’affichage du titre des articles de presse qui sont partagés sur la messagerie. La logique est économique – face à la fuite continue des utilisateurs actifs, le patron de Tesla cherche à rendre les ponts avec le reste du Web moins visibles. Mais l’effet sur la véracité des informations est désastreux : les articles de vérification mis en ligne sur l’ancien Twitter n’apparaissent plus que sous la forme d’une simple photo sans le moindre texte, et perdent ainsi leur caractère correctif, à moins de cliquer dessus. Prises ensemble, ces mesures ont créé l’écosystème parfait pour que prospèrent les contenus racoleurs, hâtifs et manipulateurs.

Exode des utilisateurs actifs

Pour ne rien arranger, la désinformation vient des plus hautes sphères de X. Officiellement, Elon Musk ne défend pas celle-ci. « Comme toujours, essayez de rester au plus près possible de la vérité, même pour des trucs qui vous déplaisent », a-t-il demandé au premier jour de la riposte israélienne. Mais le multimilliardaire a lui-même fait la promotion de comptes manipulateurs. « Pour suivre la guerre en temps réel, @WarMonitors et @sentdefender sont bons », a-t-il ainsi tweeté le 8 octobre, avant de supprimer son message. Le premier partage des messages antisionistes et conspirationnistes – il accorde par exemple du crédit aux Protocoles des sages de Sion, célèbre faux antimaçonnique et antisémite du début du XXe siècle. Le second mitraille ses centaines de milliers d’abonnés de courtes assertions non sourcées.

Face au déluge de rumeurs, journalistes et observateurs assument désormais de manière officieuse le rôle de la modération qu’Elon Musk n’a jamais appréciée et n’a plus les moyens de payer. Pour l’internaute qui souhaite se prémunir contre les contenus trompeurs, le plus sage semble aujourd’hui, comme Slate l’y invite, de tout simplement quitter la plate-forme. C’est ce qu’ont fait à l’été de nombreux climatologues épuisés par les récits climatosceptiques.

Chaque jour, le nombre de transfuges de X vers BlueSky, une alternative créée par des anciens de Twitter, s’accroît un peu plus. En septembre, la plate-forme rachetée par le patron de Tesla passait sous les 400 millions d’utilisateurs actifs, son plus bas niveau en une décennie, très loin des trois milliards de Facebook. Début octobre, selon les chiffres officiels de X, ils n’étaient plus que 245 millions.





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