entre le Parti communiste chinois et la science-fiction, une histoire contrariée

entre le Parti communiste chinois et la science-fiction, une histoire contrariée


Dans les années 1960, un roman qui aurait utilisé les thèmes centraux du Problème à trois corps, la trilogie de science-fiction à succès de Liu Cixin dont une très attendue adaptation en série sort jeudi 21 mars, sur Netflix, n’aurait sans doute pas trouvé d’éditeur. Il fait la part belle aux extraterrestres ; un thème interdit dans la littérature chinoise jusqu’après la mort de Mao.

« La doctrine marxiste-léniniste ne prévoyait pas l’existence d’extraterrestres dans l’Univers. A l’époque, toute histoire basée sur des extraterrestres était considérée comme irrémédiablement corrompue par une idéologie bourgeoise », explique au Monde Hua Li, professeure de littérature chinoise à l’université du Montana et autrice d’une histoire de la science-fiction chinoise moderne (Chinese science fiction during the post-Mao cultural thaw, University of Toronto Press, non traduit). Ainsi va l’histoire de la science-fiction chinoise, marquée par les interdictions et la censure, mais aussi par des périodes d’assouplissement, durant lesquelles elle est vue comme un outil au service de la population et du rayonnement de la Chine.

Lire le portrait | Article réservé à nos abonnés Liu Cixin, premier du genre

L’affiche du film « Le Rayon mortel de l’île de corail » (1980), le premier film chinois de science-fiction, adapté de la nouvelle populaire de Tong Enzheng (1978). L’auteur est mort aux Etats-Unis en 1997 – il n’était plus retourné en Chine depuis la répression de Tiananmen.

Comme partout ailleurs, la science-fiction a une forte dimension politique en Chine, et son histoire épouse de près celle du Parti communiste. De l’arrivée au pouvoir de Mao, en 1949, jusqu’au milieu des années 1960, les « romans scientifiques », comme on les appelle dans le pays, s’inspirent fortement du réalisme soviétique et exhaltent les progrès de la science. Jusqu’à ce que la Révolution culturelle (1966-1976) interdise quasiment toute publication de littérature.

A partir de 1978, lors du « dégel » qui suit, Deng Xiaoping fait des « sciences et technologies » la clé de son grand plan de réformes, dit des « quatre modernisations ». C’est un premier âge d’or de la science-fiction chinoise, portée par des magazines qui connaissent un vif succès. Mais la fenêtre se referme rapidement : dès 1983, la publication de science-fiction est interdite, au titre de la « campagne contre la pollution spirituelle », qui lutte contre les idées libérales – et occidentales. Il faudra attendre 1991 et la première grande convention internationale de science-fiction à Chengdu, qui accueille aussi des auteurs étrangers et marque un début de réouverture sur l’extérieur après la répression des manifestations de la place Tiananmen, pour que la science-fiction chinoise prenne son véritable essor.

« Genre post-traumatique »

Une histoire récente elle-même en dents de scie, marquée par des arrêts brutaux et des reprises rapides, liées à une volonté politique de moderniser le pays : la science-fiction chinoise est un « genre littéraire post-traumatique », écrit dans sa thèse de doctorat récente le chercheur Loïc Aloisio, « puisque ces mouvements de modernisation ont tous été lancés à la suite de différents traumatismes subis par le pays ». Post-traumatique, et longtemps très domestique ; rares étaient les œuvres traduites et diffusées à l’étranger, plus rares encore celles qui rencontraient un important lectorat en anglais ou dans d’autres langues.

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