GreenSI avait analysé la stratégie de plateforme de Netflix en 2019.
Ancien loueur de films DVD par correspondance fin des années 1990, il a pivoté dans le streaming vidéo dans les années 2010, après avoir terrassé le champion Blockbuster et son réseau de boutiques. Pour Netflix, basculer dans le Cloud, c’était un changement de logistique pour remplacer, le support DVD et son acheminent (le service postal), par un média unique : Internet. Cette bascule a été payante et Netflix s’est imposé mondialement avec sa plateforme de vidéo à la demande pour un abonnement mensuel.
Dix ans plus tard, Disney+ montrait son nez et certains prédisaient même la fin Netflix, comme Yahoo s’est progressivement éclipsé devant Google dans la recherche sur Internet et la valorisation des données. Mais Netflix avait déjà travaillé son catalogue et s’est transformé en producteur de contenu. Sa plateforme qui a tant de valeur, repose sur des services externes et notamment AWS.
Toutes les stratégies digitales de « plateformisation » se construisent principalement sur la capacité croissante de mise en relation, une obsession pour une expérience utilisateur hors normes et une approche agile qui lance régulièrement de nouveaux produits. Avant d’être ce leader mondial du commerce électronique, Amazon n’avait que l’onglet « books » sur son site, puis a développé une par une les catégories, en renforçant sa plateforme logistique et l’écosystème de boutiques partenaires.
La question que se posait GreenSI à propos de Netflix, c’était quel serait son prochain stade de développement ?
On voyait clairement que Netflix testait l’interactivité dans des séries comme « Carmen Sandiego » et « Black Mirror » (Bandersnatch) permettant de « choisir sa propre aventure ». Une interactivité en temps réel qui n’est pas neutre sur l’architecture de sa plateforme et rompt avec le simple streaming unidirectionnel.
Cette semaine Netflix s’est un peu plus dévoilé dans l’interactivité, avec des signes captés par Bloomberg qui montrent que Netflix se prépare à proposer des jeux vidéos sur sa plateforme de streaming.
Et comme cela ne s’improvise pas, c’est Mike Verdu qui sera chargé de développer cette activité.
Son profil LinkedIn coche toutes les cases : un ancien d’Electronic Arts (Sims), une expérience de studios de jeux et en dernier de Facebook où il était VP du contenu en réalité augmentée et virtuelle. On sait que Facebook s’intéresse aux univers virtuels depuis le rachat d’Oculus en 2014 et a fait grandir tout un écosystème de développeurs pour produire des jeux pour sa plateforme AR/VR Oculus. Certes, ce n’est pas encore un carton pour Facebook malgré ses investissements, mais justement Mike sait certainement quelles sont les fausses bonnes idées dans les jeux en lignes 😉
Certains spécialistes des rumeurs sont même allés fouiller dans le code de l’application iOS de Netflix, pour y dénicher des traces. Ainsi, sur le fil Twitter de @stevemoser on peut trouver le logo d’un « Netflix Game » et l’image de manettes de jeux de Sony qui pourraient suggérer un partenariat dans ce domaine…
Et puis Reed Hastings, l’un des deux cofondateurs, avait aussi déclaré dans une interview que le jeu Battle-Royale de Fortnite était un de ses concurrents… en temps de connexion de ses abonnés ! Toutes ces informations convergent donc vers une offre de jeux vidéo de Netflix directement sur la plateforme de streaming, dans le cadre de ses abonnements actuels.
L’idée d’une plateforme de jeux en streaming n’est pas neuve.
Sortie fin 2019, le service de jeux de Google, Stadia, est une plateforme de jeux vidéo à la demande en streaming dans le cloud. Elle bénéficie du savoir faire et la puissance GPU de Google dans le Cloud et est intégrée aux autres services, notamment YouTube. Côté utilisateurs il ne faut qu’une simple manette de jeux connectée à internet – que Google a produit lui-même – avec un débit ADSL. À terme on voit la synergie avec les Chromecasts et les Android-TV qui transforment nos vieux téléviseurs, en TV connectées. Le modèle économique est celui de Netflix, l’abonnement mensuel, et non l’achat de jeux comme avec les consoles et les standards actuels du marché des jeux vidéo dominé par Sony, Microsoft et Nintendo.
Malgré ce pédigrée d’exception et une période tout aussi exceptionnelle pour son lancement – 2020 et les confinements successifs mondiaux – Stadia n’a pas encore décollé alors que le marché des jeux vidéo n’a jamais été aussi dynamique. Fin d’année dernière, Google a même fermé deux studios et revu son organisation.
Son positionnement de joueurs ciblés et son catalogue de jeux n’étaient peut-être pas alignés. Et puis la bascule d’un modèle de possession, à un modèle de location, prends du temps dans toutes les industries. Pour l’instant Google n’a donc pas trouvé la clef pour révolutionner le jeu vidéo et va certainement plus s’appuyer sur YouTube à l’avenir.
Netflix est donc clairement en train d’essayer de prendre de vitesse Google, plutôt que les ténors des consoles.
Mais ce service intégré à un abonnement VOD lui permet aussi se différencier par rapport à ses concurrents directs, Amazon Prime et Disney+, mais aussi HBO aux États-Unis, qui continuent de progresser (derniers chiffres du streaming sur ZDnet). Voire Netflix peut proposer une option et augmenter ses tarifs, quand ses concurrents ne reposent que sur la VOD aujourd’hui. Disney, pourtant la plus grande société de divertissement au monde, n’a jamais réussi à développer ses activités de jeux en interne, malgré ses efforts.
Enfin, c’est clairement un moyen de renforcer l’ancrage de sa plateforme, en augmentant le temps passé par ses abonnés. Les jeux et les séries ne sont d’ailleurs peut-être pas consommés au même moment de la journée, donc n’entrent pas en conflit. Si le temps passé sur Netflix augmente, indirectement cela réduira les partages de comptes, car ce partage ne repose que sur le fait qu’un abonnement est rarement utilisé plus de 4 heures par jour. Au-final, cela pourrait donc aussi augmenter le nombre d’abonnements à la plateforme.
En attendant les détails de la confirmation de cette stratégie, très cohérente avec son développement, on observe que le chemin pour Netflix est étroit. La tentative de Google à trouver un modèle dans le streaming de jeux vidéo et les échecs successifs de Disney à développer ses activités de jeux en interne, seront certainement riches d’enseignements.
Mais ce qui est sûr, c’est que les plateformes évoluent et se renouvellent en permanence. C’est cette dynamique qui fait l’intérêt de la compétition et stimule l’innovation. Ne les regardez donc jamais comme des modèles figés quand vous les intégrez dans vos stratégies.
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