la Corée du Sud, aux avant-postes du fléau

la Corée du Sud, aux avant-postes du fléau


Fin janvier 2024, les « Swifties » s’affolent sur Internet. Sur les réseaux sociaux circulent librement de fausses photos pornographiques de leur icône, Taylor Swift. Un scandale qui braque soudainement les projecteurs sur les deepfakes, ces montages photos et vidéos superposant la tête d’une personne sur les corps de quelqu’un d’autre, dans 96 % des cas à des fins pornographiques.

Mais s’il y a un pays où l’affaire ne surprend personne, c’est la Corée du Sud. Car sur place, le problème est connu depuis des années. Pire, il est déjà une réalité du quotidien et ses popstars féminines en sont les premières victimes. « En 2019 déjà, 25 % des personnalités mondiales touchées étaient des stars féminines de K-Pop », avance Henry Ajder, coauteur à l’époque d’un rapport sur le sujet pour l’entreprise de cybersécurité Deeptrace.

Cinq ans plus tard, la tendance se confirme. Effleurer en 2024 ne serait-ce que la première page des sites spécialisés dans les deepfakes pornographiques suffit pour comprendre que ces idols sont partout. En épluchant les cinq plates-formes vidéos les plus populaires en la matière, Le Monde a pu constater que, sur les cinquante célébrités les plus ciblées dans le monde, plus de la moitié (56 %) sont des popstars sud-coréennes.

Renouveau misogyne

Evidemment, le succès international de la K-Pop n’y est pas pour rien. S’exportant de l’Asie de l’Est à l’Amérique du Nord, en passant par l’Europe ou le Moyen-Orient, les communautés de fans se multiplient et ses stars deviennent des objets de fantasmes aux quatre coins du monde. « Les deepfakes pornos d’idols K-Pop, le monde entier en veut », affirme ainsi au Monde Peter (son prénom a été changé), producteur et vendeur de ces contenus via des boucles Telegram et des sites spécialisés. « Moi, je n’ai aucun fantasme particulier sur elles. Je réponds juste à une demande très forte », se justifie-t-il.

Sur ce site de deepfakes pornographiques, dix stars de K-Pop se trouvent dans le top 15 des célébrités les plus ciblés.

Pour autant, la mondialisation de la K-Pop ne suffit pas à expliquer le phénomène. « Ce que nous observions dès 2019, c’est que la plupart de ces contenus étaient produits et consommés en Corée du Sud, rappelle Henry Ajder. Et le problème dépasse les seules popstars. » Car plus qu’ailleurs, l’hypertrucage a su s’intégrer dans les pratiques numériques du pays. En 2022, le futur président Yoon Suk Yeol présentait ainsi « AI Yoon », un deepfake de lui-même capable d’interagir avec les internautes pour la campagne présidentielle, tandis que des start-up s’affairaient déjà à concevoir des « humains virtuels ».

Or cette démocratisation rencontre une tendance moins heureuse : le sexisme de la société coréenne et le renouveau misogyne, porté en ligne par une nouvelle génération de jeunes hommes. Un phénomène observable dans plusieurs pays, et dont la Corée du Sud se fait la triste ambassadrice. Dans une nation remuée par une importante vague #metoo, confrontée à un marché de l’emploi très compétitif et à une crise démographique, la jeunesse coréenne masculine voit dans les femmes, et surtout les féministes, des boucs émissaires parfaits.

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