La révolution de l’IA générative, part des utilisateurs

La révolution de l'IA générative, part des utilisateurs



Le sommet pour l’Action sur l’Intelligence Artificielle (IA) des 10 et 11 février 2025, co-présidé par le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre indien Narendra Modi, nous montre que l’IA mobilise au plus haut niveau.
Elle continue aussi d’absorber la majorité des investissement de captial risque, et chamboule les budgets de toutes les entreprises qui doivent lui laisser une place.

Ce ne sont donc pas les moyens et l’attention qui manquent. Pourtant, on peut voir que le retour sur investissement n’est pas immédiat. Il demande de choisir avec précision ses cas d’utilisation. Et pour ceux qui en affichent, on parle plus de 30% que de 300%. Donc malgré son potentiel disruptif, deux constats étonnant s’imposent pour l’IA générative :

  • L’adoption rapide de cette technologie provient davantage des utilisateurs que du management.
  • On a tendance à surestimer son impact à court-terme, mais certainement aussi à le sous-estimer à long terme

En effet, la dynamique de l’IA générative rappelle d’autres phénomènes technologiques où l’impulsion de la base – développeurs, employés motivés ou même simples passionnés – a précédé la validation officielle par les Directions Générales. Ces dernières sont souvent plus sensibles au départ aux risques engendrés, et on les comprends, qu’au chemin pour en tirer tous les bénéfices.

Et si on était en train de basculer un peu plus loin vers une informatique centrée sur l’utilisateur, qui lui seul à la clef pour en ouvrir la porte de la productivité ?

Et si on quittait le paradigme, bien ancré, que les économies sont apportées par les logiciels, ce qui justifie leur prix de license toujours croissant (merci le marketing des éditeurs) en oubliant que c’est bien leur usage par les utilisateurs qui amène de la valeur. Un marketing bien rodé, qui nous fait souvent payer 80% de fonctionnalités peu ou jamais utilisées par les utilisateurs.

Un engouement porté par les utilisateurs

Les outils d’IA générative, que ce soit de génération de textes, de voix ou d’images, se sont démocratisés de manière inédite grace aux diverses interfaces simples, mises à disposition du grand public. Cette semaine, Mistral, qui était en reste sur le mobile, a annoncé la sienne sur Android et iOS. C’est bien l’accés qui est essentiel, même si on se targue d’avoir un LLM de très bon niveau mondial.

Cette facilité d’accès, parfois sous forme d’applications web ou de services en ligne, favorise donc la curiosité et l’expérimentation directe par les utilisateurs finaux. Dès que ces derniers perçoivent une valeur ajoutée – par exemple, accélérer la production de contenus ou automatiser certaines tâches répétitives – l’adoption devient quasiment spontanée. Le bouche à oreille faisant sont effet, cette adoption se répand autour de ces premiers adopteurs.

Le seul frein est souvent le coût de l’abonnement. Ainsi, les nombreuses solutions gratuites ou partiellement gratuites sont très utilisées. Et la bonne nouvelle pour ces utilisateurs, c’est qu’il y en a de plus en plus. Maintenant il est vrai que rien n’est gratuit et qu’ils payent avec leurs données. DeepSeek, l’IA chinoise open source qui a beaucoup fait parlé d’elle, a des CGU sans équivoque sur ce sujet. Mais à court terme beaucoup pense que ce risque peut être pris, sans d’ailleurs toujours en parler à leur employeur quand il s’agit d’usages professionnels.

Mais les offres payantes de premier niveau sont pas toutes dissuasives pour les utilisateurs. En effet les 20€/mois à payer peuvent largement valoir le confort et le gain de temps qu’elles procurent à l’utilisateur. C’est moins de 1€ par jour ouvré, donc même pas l’équivalent du café du matin quand on va travailler.

Oui, GreenSI est bien en train de dire que comme leur costume sombre, leur tailleur ceintré, leur sneakers cool, le carburant ou les extras, les salariés payent bien plus que 20€/mois de leur poche pour aller bosser. Le logiciel rentre dans cette catégorie d’incontournables frais professionnels.

En revanche, l’abonnement à 200€/mois d’OpenAI,  ne s’adresse qu’à un public de professionnels très ciblés, comme des freelances, et sera pris en charge par les entreprises.

L’utilisation de l’IA générative précède donc parfois tout investissement de grande ampleur de la part de l’entreprise via ses investissements informatiques. C’est un changement par rapport aux applications IA déjà déployées avec des technologies différentes. En effet, les technologies d’IA traditionnelles (comme l’apprentissage automatique pour la classification ou la prédiction) se déployaient souvent selon un modèle plus vertical, avec des phases de sélection, de prototypage et de mise en œuvre sous le contrôle du management ou d’une cellule d’innovation.

L’IA générative, plus accessible et intuitive, inverse ce processus : les utilisateurs s’approprient d’abord les outils, de manière plus ou moins formelle, puis la direction doit accompagner – voire encadrer – cette expérimentation. En tirant parti de solutions fréquemment disponibles, ils explorent des usages variés qui nécessitent un soutien managérial pour en maximiser l’impact. Certains parlent de « Shaodw AI » comme on à l’époque parlé de « Shadow IT », car ce n’est pas nouveau.

Rien de nouveau sous le soleil

L’IA générative n’est en effet pas la première technologie à se diffuser ainsi « du bas vers le haut ». On se souvient de plusieurs mouvements technologiques qui ont émergé de la même façon, et on peut regarder ce qu’ils sont devenus et ce qu’ils ont amenés :

  • Le mouvement du BYOD (Bring Your Own Device) : Les smartphones et tablettes personnels se sont répandus dans les organisations bien plus vite que les directives officielles pour les gérer. Les utilisateurs ont fait pression pour accéder à leurs emails et applications depuis leur propre matériel.
    Un chiffre intéressant est que l’IA générative s’est déployée plus rapidement que les smartphones. Rien que ChatGPT a atteint 100 millions d’utilisateurs en seulement deux mois, alors qu’il a fallu deux ans au smarphone.
  • Les réseaux sociaux d’entreprise : Avant leur officialisation dans les organisations (la vague de l’entreprise 2.0), de nombreux collaborateurs utilisaient déjà des forums, des groupes et des communautés en ligne pour échanger. Les départements de communication et de ressources humaines ont ensuite cherché à rationaliser, standardiser et déployer ces outils à l’échelle de l’entreprise.
    Aujourd’hui force est de constater que les réseaux sont un outil standard plus du tout associé à l’entreprise. Par exemple Whatsapp,  qui n’a pas d’offre entreprise, est déployé directement par les utilisateurs en fonction des projets car c’est devenu une commodité.
  • Les outils collaboratifs et le SaaS : Les services de stockage et de partage de fichiers en ligne, ont d’abord été adoptés par les équipes sur le terrain pour résoudre des difficultés pratiques de collaboration, surtout quand les emails bloquaient les pièces jointes de taille moyenne. Ce n’est qu’après coup, que les services informatiques ont dû gérer la sécurité, la conformité et l’intégration dans l’infrastructure existante.

On aurait aussi pu citer l’Internet et le Web, nés dans la sphère universitaire, et l’email lui même qui remettait en question le pouvoir des managers et la circulation de l’information dans l’entreprise, ce qui a freiné son déploiement.
L’IA générative s’inscrit donc dans cette lignée de technologies où l’usage précède souvent la régulation.

Toutefois, la puissance de l’IA générative – et les risques qu’elle comporte – rendent encore plus cruciale l’implication du management pour accompagner cette adoption. Mais pour GreenSI c’est un changement de paradigme, car il faut bien partir de l’utilisateur et repenser le fonctionnement avec des outils d’IA générative qui vont « augmenter » ces utilisateurs.

ROI incertain, mais de nouvelles opportunités

Le retour sur investissement (ROI) de l’IA générative n’est pas toujours immédiat ni facile à quantifier, selon toutes les études de cabinet de conseil. Les cas d’usage sont pourtant nombreux et variés  et on converge vers des « must have », comme par exemple :

  • Génération de contenus rédactionnels (emails, articles, propositions commerciales)
  • Création d’images, de visuels ou de prototypes pour le marketing
  • Agent intelligent pour répondre aux emails dans les services clients
  • Aide à l’innovation, idéation rapide ou conception de solutions
  • Automatisation de tâches répétitives dans le support ou la documentation

Cependant, chaque utilisation diffère par son impact sur la productivité, la satisfaction client ou la réduction des coûts. Dans bien des cas, le bénéfice se mesure moins en gains financiers directs qu’en gain de temps, de créativité ou de confort de travail. Il est donc essentiel de guider les utilisateurs dans leur appropriation de l’IA générative, afin d’identifier les gains réels et de développer des indicateurs de performance adaptés.

Pour GreenSI, la priorité de l’entreprise est donc dans la formation et l’accompagnement des changements, de façon assez large, sur les populations les plus à même d’exploiter le potentiel de l’IA générative.

De surcroît, du point de vue d’un utilisateur individuel, l’adoption de l’IA générative peut engendrer un ROI plus marqué que celui perçu globalement par l’entreprise !

En se formant à ces outils et en les intégrant dans son quotidien, l’utilisateur développe en effet de nouvelles compétences directement valorisables sur le marché du travail. Cette employabilité accrue, conjuguée à la capacité de produire des livrables plus rapidement ou avec davantage de créativité, peut se traduire par des opportunités professionnelles élargies ou une progression de carrière.

Ainsi, sur le plan individuel, l’investissement en temps et en argent (le cas échéant) se voit souvent compensé par la possibilité d’être plus compétitif, plus innovant ou simplement plus productif dans ses missions, ce qui est parfois plus immédiatement tangible qu’une rentabilité à l’échelle de l’entreprise.

Vers une approche centrée sur l’utilisateur

L’IA générative amène dans l’entreprise un objet dont le traitement est différent des approches informatiques classiques, ce qui d’ailleurs impacte la DSI (voir le billet Les deux visages de l’IA générative à la DSI)

On a vu qu’elle ressemble aux réseaux sociaux, aux mobiles et au SaaS, qui n’ont pas toujours été bien gérés dans des approches trop globales, trop normatives, lissant le besoin de personnalisation de l’utilisateur, qui était à la base de sa performance. Car, a de rares exceptions comme dans le commerce, l’entreprise sait difficilement mesurer la performance des utilisateurs, et quand elle la mesure ce sont des processus annuels.

Alors comment enclencher une nouvelle dynamique pour poser les bases d’une approche plus centrée sur l’utilisateur ?

Une première idée est de permettre l’expérimentation sécurisée plutôt que l’interdiction.

L’un des principaux obstacles à l’adoption réside dans les préoccupations relatives à la protection des données et au respect des cadres réglementaires. Il est donc conseillé de mettre en place un environnement de test rigoureusement sécurisé et doté de mécanismes de gouvernance adaptés (contrôle des accès, anonymisation, chiffrement) afin de laisser les utilisateurs évaluer en profondeur les performances de l’IA générative dans leur quotidien, tout en respectant les exigences légales et déontologiques.

Une seconde idée est de former et sensibiliser aux bonnes pratiques, car on est engagé dans un programme de conduite des changements.

L’IA générative ouvre de nouvelles perspectives, mais elle peut également produire des informations biaisées ou inexactes. Pour former les utilisateurs aux bonnes pratiques, il est essentiel de mettre en place un programme d’apprentissage progressif, mêlant théorie et pratique. On peut imaginer par exemple :

  • Du e-learning : Des modules en ligne, accessibles à tous, introduisent les concepts clés (fonctionnement des modèles, risques de biais, posture critique, etc.). Cette sensibilisation précoce viser à réduire les erreurs de manipulation et la diffusion d’informations erronées, mais aussi de mieux comprendre ce qui se passe. Non un LLM n’est pas un moteur de recherche, et ce qu’il produit n’existe dans aucun document ! C’est une croyance que l’on trouve encore deux ans après leur introduction.
  • Ateliers pratiques et études de cas : En confrontant les utilisateurs à des exemples concrets (contenus volontairement biaisés ou issus d’IA non vérifiées), on renforce leur capacité d’analyse critique. Des ateliers réguliers vont permettre cette amélioration continue qui passe aussi par l’utilisateur et sa volonté de rentrer dans ce type de boucle vertueuse.
  • Communautés internes : Le partage d’expériences sur des plateformes collaboratives ou des canaux de discussion dédiés peut accélérer la résolution de problèmes et la découverte de nouveaux cas d’usage. C’est un moyen reconnu de favoriser le transfert de compétences.
  • Coaching personnalisé : Dans certains projets pilotes stratégiques pour ne pas affecter un référent IA par département ou par groupe de travail pour répondre rapidement aux questions et faire évoluer les pratiques. Cela demande bien sûr à l’entreprise d’avoir développé le programme de formation de ces référents 😉

Ces approches visent à créer des expérience positives pour les utilisateurs et leur donner davantage de confiance dans les outils, une amélioration significative de la qualité des livrables et, surtout d’éviter les pièges (biais, interprétation des résultats…). Au fil du temps, elles favorisent l’émergence d’une culture de l’IA générative, dans laquelle chaque collaborateur sait identifier les limites techniques et éthiques des modèles, tout en tirant parti de leur fort potentiel d’innovation.

Une troisième idée est de mettre à contribution les utilisateurs pour objectiver la valeur créée.

On a dit que la performance était rarement bien perçue par les systèmes trop globaux de l’entreprise. Alors pourquoi ne pas utiliser les utilisateurs pour l’objectiver ?

Au-delà des indicateurs financiers, la réduction du temps de réalisation des tâches, l’augmentation de la satisfaction des clients ou des employés, ainsi que la qualité des livrables peuvent servir de métriques pertinentes. Par exemple de remonter en central leur expérience ;

  • Le nombre d’heures économisées sur une semaine par l’automatisation ou à l’accélération de tâches répétitives qu’ils ont duent effectuer.
  • Comparer la qualité des livrables avant et après l’adoption de l’IA. Un contenu moins sujet à corrections reflète une meilleure précision.
  • Mesurer le niveau de satisfaction ou de confort dans l’usage de l’IA générative (via des enquêtes ou des questionnaires).
  • Évaluer dans quelle mesure les équipes s’approprient réellement les outils, et suivre l’évolution de cet usage dans le temps. Notamment pour l’utilisation de l’IA pour coder. Des études ont montré qu’avec le temps les développeurs oubliaient ou abandonnaient, les pratiques, pourtant plus efficaces, qu’ils avaient mises en oeuvre au départ.

En combinant ces données avec des retours qualitatifs (témoignages, études de cas internes), on obtient une vision plus fine de la valeur ajoutée de l’IA générative. Cela renforce sa légitimité auprès des décideurs.

En conclusion, pour GreenSI, l’IA générative constitue donc un véritable tournant pour les organisations et une inversion de la prise en compte des utilisateurs.

On change à la fois en matière d’innovation et de transformation des modes de travail.

Son adoption fulgurante, portée par les utilisateurs plus que par la hiérarchie, rappelle l’importance de construire une approche centrée sur les besoins concrets du terrain. Lorsque l’expérimentation est autorisée et encadrée, que les bonnes pratiques sont promues et que les objectifs restent alignés sur la stratégie d’entreprise, l’IA générative peut devenir un levier puissant pour améliorer la performance, la créativité et la satisfaction des collaborateurs.

La clé réside donc dans cette collaboration constructive entre l’enthousiasme des utilisateurs, l’expertise technique et la vision stratégique du management.

Le risque majeur pour une organisation serait de freiner cette énergie par une gouvernance trop lourde.



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