pourquoi Elon Musk ne semble pas s’en émouvoir

Elon Musk se donne encore un an à la tête de Twitter, pour le « stabiliser »


Le ministre chargé de la Transition numérique a menacé Twitter d’être banni de l’Hexagone et de l’UE, s’il ne se conformait pas aux nouvelles règles européennes en matière de lutte contre la désinformation, comme l’avait déjà fait l’exécutif européen, quelques jours plus tôt. Cela n’a pas l’air d’inquiéter Elon Musk.

Mais à quoi joue Elon Musk ? Volonté de tester les autorités européennes, décision purement économique, ou simple bluff ? Alors que Twitter est sur le point de sortir du code européen de bonnes conduites sur la désinformation, la réponse des exécutifs européen et français ne s’est pas fait attendre. Si Twitter ne se conforme pas aux règles européennes (en matière de lutte contre la désinformation) à compter du 25 août prochain, la plate-forme, « sur une pente glissante », sera bannie de l’Union européenne (UE), a répété Jean-Noël Barrot, le ministre chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, interrogé sur Franceinfo ce mardi 30 mai.

Même menace du commissaire européen en charge du marché intérieur, Thierry Breton, sur son compte Twitter, quelques jours plus tôt. « Les obligations demeurent. Vous pouvez courir, mais vous ne pouvez pas vous cacher. Les engagements volontaires vont devenir obligatoires à compter du 25 août prochain », précise-t-il. Comprenez : si Twitter persiste à ne pas se conformer aux règles européennes d’ici à la fin de l’été, le réseau social sera banni du marché européen.

 

À l’origine de ces déclarations : le 26 mai dernier, on apprenait que Twitter allait sortir du code de conduite de lutte contre la désinformation, un ensemble de règles que les géants du numérique comme Google, Meta, Microsoft, TikTok avaient volontairement accepté de respecter à partir de 2018.  S’y trouvaient par exemple des obligations en matière de transparence, de modération de contenus, de suppression des « contenus de propagande »… En somme, des garde-fous pour ne pas que les réseaux sociaux ne deviennent (encore plus) des caisses de résonance de fake news. Et sur ce point, Twitter est un réseau social particulier. La plate-forme, outil de travail de nombreux journalistes et politiques, « joue un rôle important dans le débat public. Nous ne pouvons (donc) pas prendre le risque qu’un réseau social tel que Twitter se laisse prendre en otage par les partisans de la désinformation et que, par conséquent, notre débat public, notre démocratie soit affectée », soulignait Jean-Noël Barrot au micro de Franceinfo, le lundi 29 mai.

D’un code de conduite optionnel à des règles obligatoires

Or si, jusqu’à présent, le respect du code de bonnes conduites était laissé au bon vouloir des géants de la tech, les choses vont changer à compter du 25 août prochain. C’est à partir de cette date que les très grandes plateformes en ligne (appelées « VLOPs »), les entreprises de plus de 45 millions d’utilisateurs, devront respecter les nouvelles obligations du DSA, le « Digital Services Act ». Et la Commission européenne, qui en a désigné une vingtaine le 25 avril dernier, a bien confirmé que Twitter en fait partie.

Résultat, à compter du 25 août prochain, les règles de lutte contre la désinformation – parmi une liste impressionnante de nouvelles obligations – vont devenir obligatoires pour ces entreprises. Si elles ne s’y conforment pas, ces sociétés risquent une amende très salée : 6 % du chiffre mondial, ce qui correspondrait pour Twitter à près de 300 millions d’euros, a précisé le ministre chez nos confrères. Et en cas de récidive : c’est le bannissement total de l’UE.

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Cet épisode est-il surprenant ? Non, cela fait des mois que l’UE et Twitter se renvoient la balle, de plus en plus fort, à ce sujet. D’un côté, Bruxelles rappelle régulièrement au réseau social qu’il devra bien se conformer au DSA. De l’autre, Twitter, depuis son rachat par Elon Musk en novembre dernier, a peu à peu montré des signes de désengagement en matière de lutte contre la désinformation. L’homme d’affaires a réduit les effectifs en charge de la modération, à tel point que d’anciens salariés pensent qu’il n’y a plus grand monde à bord pour tenir la barre. Le milliardaire a rétabli des comptes de personnalités bannies, relayé des propos complotistes et fermé des comptes de journalistes avant de les rétablir, autant de décisions qui ont fait fuir une partie des annonceurs. La priorité du milliardaire est surtout de redresser le réseau social dont les comptes sont dans le rouge.

Le marché européen pas assez important pour qu’Elon Musk se retrousse les manches ?

Alors, pourquoi respecter un code de conduite (pas obligatoire) dont l’application lui coûte vraisemblablement de l’argent, s’est peut-être demandé Elon Musk ? Rien n’obligeait – juridiquement – l’entreprise à adhérer à ce code de bonnes conduites et à respecter ces obligations, du moins, jusqu’au 25 août. Reste à savoir si Twitter compte changer de braquet d’ici la fin de l’été. Beaucoup en doutent, car se conformer aux obligations du DSA demande énormément de préparations – ce qui explique qu’une fois désignée par la Commission européenne, les entreprises ont un délai de quatre mois pour mettre en place les procédures internes adéquates. Or, cette phase préparatoire n’a tout simplement pas l’air d’avoir lieu au sein du réseau à l’oiseau bleu.

Pour certains, cette « attitude désinvolte » s’explique aussi parce que le marché européen ne serait pas vraiment crucial pour la plate-forme, contrairement à ceux des États-Unis et du Japon. Selon un ancien employé interviewé par nos confrères d’Euractiv, le marché britannique à lui seul vaudrait à peu près autant, sinon plus, que l’ensemble de l’UE. Ce qui signifierait que dans la balance coût/bénéfices, le jeu n’en vaudrait pas la chandelle. Le marché européen ne serait pas assez important pour qu’Elon Musk se retrousse les manches. Comment va se terminer cette partie de ping-pong ? Les menaces de l’exécutif européen et français vont-elles être mises à exécution ? Gage que le fait que Twitter ne respecte pas le DSA, ce qui reste pour l’instant une hypothèse, pourrait avoir au moins un intérêt : tester les capacités de l’UE à faire appliquer ce nouveau règlement, alors que l’Europe est souvent accusée de manquer de fermeté et d’efficacité dans l’application de ses lois.

Source :

Franceinfo





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