tout comprendre au système qui peut commander tous les produits connectés de la maison

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Quand on rêve d’un intérieur moderne, on imagine des lumières qui obéissent au doigt et à l’œil, une enceinte qui lance Spotify dès qu’on le pense, des volets qui suivent notre planning… Sauf qu’en pratique, jongler avec cinq applis différentes ou retenir la bonne commande vocale pour chaque assistant transforme vite la maison connectée en vrai casse-tête. Difficile de prétendre à l’intelligence si la moindre action nécessite de se souvenir quelle application utiliser dans chaque situation.

Ce casse-tête technique, chacun le connaît : Alexa ne parle pas à Siri qui ne comprend pas l’écosystème Google, sans parler des objets qui n’entrent dans aucun club. Forcément, les constructeurs avaient bricolé des solutions propriétaires, mais ça s’arrête bien vite dès qu’on sort de leur catalogue. Et aucune marque ne propose le produit parfait pour tout faire. La bonne nouvelle : ça bouge enfin, avec l’arrivée de Matter.

Matter, c’est quoi ?

Matter, c’est le projet qui vient mettre un coup de balai dans la jungle des standards domotiques. Ce protocole ouvert, lancé en 2022, fédère des mastodontes du secteur : Amazon, Apple, Google, et une flopée de fabricants. L’idée ? Que tous les objets connectés (ampoules, capteurs, serrures, prises) parlent le même langage, quel que soit le logo sur la boîte.

Concrètement, un même appareil labellisé Matter doit pouvoir être contrôlé au choix par Alexa, Google Assistant, Siri, ou d’autres plateformes du marché, et surtout répondre, peu importe l’appli ou la voix utilisée. Fini la galère du « est-ce que mon interrupteur Hue est compatible HomeKit ? », ou du « mon enceinte Google saura-t-elle éteindre la lampe achetée chez Ikea ? ».

À l’heure actuelle, certains produits offrent déjà une compatibilité multi-plateforme, mais Matter doit aller plus loin et rendre l’installation simplissime dès le déballage. Et surtout, la promesse est claire : plus besoin de créer un réseau d’usine à gaz chez soi pour espérer que les objets s’entendent.

Comment fonctionne Matter ?

Au cœur de Matter, il y a la volonté d’un fonctionnement universel et local : le protocole s’appuie principalement sur le Wi-Fi et Thread (couche réseau maillée inventée par Google et intégrée via la CSA). Pour l’installation initiale, le Bluetooth Low Energy permet le jumelage rapide des nouveaux appareils.

© CSA

Chose à noter : il n’y a pas d’application Matter centrale ou d’assistant unique : chaque plateforme (Alexa, HomeKit, Google Home…) garde son appli et ses automatismes, Matter se chargeant d’assurer la base de la communication et la compatibilité pour les fonctions standard.

Un des gros avantages : Matter travaille localement. Si la connexion internet tombe, la plupart des objets continuent de fonctionner normalement via le réseau du domicile (et non plus via un cloud quelconque à l’autre bout du monde). Plus de rapidité, moins de latence, et un sentiment de contrôle un peu plus rassurant.

La CSA et la naissance de Matter

La gouvernance de Matter est confiée à la Connectivity Standards Alliance (CSA, ex-Zigbee Alliance), un groupement qui fédère aujourd’hui plus de 550 entreprises du secteur tech et domotique. CSA tire profit d’années d’expérience sur Zigbee, un protocole déjà bien diffusé chez les premiers objets connectés, mais réunit aussi les nouveaux ténors du marché.

C’est cette largeur de représentativité qui donne à Matter un vrai poids ; son code est open source : les fabricants peuvent piocher gratuitement dans le kit de développement pour rendre leurs produits compatibles avec le protocole, sans royalties à payer pour la base, ce qui promet une adoption massive… du moins en théorie.

Depuis 2022, on a vu une accélération de la migration : serrures connectées, luminaires, capteurs climatiques, électroménager, une ribambelle d’acteurs s’est empressée de faire certifier ses produits. Mais l’intégration réelle dans les foyers dépend encore beaucoup du rythme des plateformes majeures, qui prennent leur temps pour tout ouvrir.

Annoncé sous le nom Project CHIP, le protocole aurait dû voir le jour en 2020. Après reports et rebranding, la norme Matter 1.0 sera finalement rendue publique fin 2022, avec son SDK et les premiers produits compatibles. On entre alors dans une phase de mises à jour successives :

  • Matter 1.1 au printemps 2023 : surtout des corrections de bugs.
  • Matter 1.2 à l’automne 2023 : neuf catégories d’objets en plus (frigos, robots aspirateurs, purificateurs d’air…).
  • Matter 1.3 au printemps 2024 : gestion de l’énergie et de l’eau, support du pilotage des véhicules électriques, arrivée des fours, sèche-linges, plaques de cuisson…
  • Matter 1.4 (fin 2024) : « Enhanced Multi-Admin », permet la connexion automatique des anciens et nouveaux objets à plusieurs écosystèmes, ouverture à la gestion énergétique (panneaux solaires, batteries…).
  • Matter 1.4.1 (début 2025) : simplification des procédures d’installation (un seul QR code pour tout un pack), affichage direct des conditions réglementaires, support de l’onboarding NFC.
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© CSA

À chaque version, une salve d’appareils supplémentaires devient éligible à la certification, mais il faut garder à l’esprit que l’apparition d’une version du protocole ne signifie pas que tous les produits seront mise à jour dans la foulée : les responsables de plateformes (Amazon, Apple, Google, Samsung…) traînent parfois les pieds pour déployer toutes les nouveautés.

Quelle différence entre Matter et Thread ?

Thread et Matter sont souvent associés dans l’univers de la maison connectée, mais ils remplissent des rôles bien distincts. Thread est avant tout un protocole réseau, c’est-à-dire une technologie qui permet aux objets de communiquer entre eux par radio en formant un réseau maillé performant et robuste. Matter, en revanche, est une norme applicative universelle qui définit un langage commun permettant à des objets issus de différents fabricants de se comprendre et de s’intégrer les uns avec les autres, que ce soit via Thread, le Wi-Fi ou l’Ethernet.

Thread et Matter ne sont pas interchangeables : Thread se charge de la transmission des messages entre appareils, tandis que Matter gère la façon dont ces appareils s’identifient, dialoguent et se pilotent via les applications de la maison connectée. Matter s’appuie donc sur Thread pour établir des connexions physiques efficaces, mais il peut également fonctionner avec d’autres réseaux, ce qui fait de Matter une solution plus large et plus flexible.

L’adoption de Matter facilite ainsi la compatibilité entre marques, alors que l’usage de Thread assure une rapidité et une fiabilité accrues dans la transmission des informations, même entre des appareils dispersés et peu gourmands en énergie. Concrètement, Thread et Matter travaillent ensemble pour garantir à la fois performance et simplicité dans la maison intelligente : Thread offre la stabilité du réseau local et l’autonomie énergétique, tandis que Matter apporte la sécurité, la confidentialité et l’interopérabilité universelle entre produits connectés.

Apple prend par exemple en charge les appareils Matter au sein de son écosystème grâce à l’app Maison et des produits comme l’iPhone, l’iPad, l’Apple TV 4K et le HomePod mini, qui intègrent la technologie Thread. Cela signifie que les utilisateurs peuvent associer, contrôler et automatiser des accessoires connectés Matter, fonctionnant sur Thread, directement avec leurs appareils Apple.

Mais alors… que devient le reste : Zigbee, Z-Wave, SmartThings ?

La route vers la maison intelligente de rêve est jalonnée de standards historiques : Zigbee, Z-Wave, SmartThings, Insteon… Sans parler du Wi-Fi classique ou de variantes comme Wi-Fi HaLow, ces nombreux protocoles ont permis le développement de la domotique, mais ont aussi fabriqué de l’incompatibilité.

Matter ne vient pas brûler la concurrence, mais joue la carte du rassemblement. Google, par exemple, a rapatrié ses technologies Thread et Weave dans l’écosystème Matter. Le protocole exploite Wi-Fi, Ethernet pour la transmission des données et s’appuie sur Bluetooth Low Energy pour l’installation initiale des nouveaux objets.

La norme a vocation à évoluer. Impossible de couvrir dès le départ chaque cas d’usage, chaque spécificité de chaque objet (caméra, robot, serrure, etc.), mais plus il y aura de rapprochements (et d’acteurs à la table), plus Matter deviendra incontournable. La contrepartie, c’est que faire marcher tout ce monde sans accroc est évidemment un défi permanent.

Quels appareils fonctionnent avec Matter ?

Le but de Matter est de tout rendre compatible via simple mise à jour. La réalité, c’est que certains appareils utilisant déjà Zigbee, Z-Wave ou Thread pourront effectivement entrer dans la boucle, mais ce n’est en rien automatique. Certaines références ne seront jamais mises à jour et beaucoup nécessiteront le remplacement physique de la passerelle (ou du hub).

Google Matter
© Google

La clé, c’est surtout de chercher le logo Matter sur la boîte, sur le site du fabricant ou dans la liste officielle de la CSA. Le nombre de références certifiées, plateformes et applications croît massivement, mais attention : toutes ne sont pas commercialisées de suite dans tous les pays.

La première norme, Matter 1.0, ciblait :

Éclairages (ampoules, interrupteurs),

  • Prises et relais connectés
  • Serrures
  • Capteurs de sécurité
  • TV et enceintes
  • Stores
  • Contrôleurs de portes de garage
  • Thermostats/climatisations

À partir de Matter 1.2, puis 1.3, 1.4, on voit arriver :

  • Réfrigérateurs
  • Aspirateurs robots
  • Lave-vaisselle et lave-linge
  • Détecteurs de fumée
  • Purificateurs
  • Ventilateurs
  • Gestion énergétique (suivi et commande de chargeur auto, panneaux solaires, batteries)
  • Gestion de l’eau (détection de fuite, vannes pilotables…)
  • Fours, micro-ondes, plaques de cuisson, sèche-linge

À noter : toujours aucune prise en charge réelle des caméras de surveillance ou des visiophones vidéo à l’heure où nous écrivons cet article.

Quels usages concrets ?

Pour l’instant, Matter permet surtout un pilotage basique et fiable : allumer/éteindre, régler la température ou l’intensité d’une lumière, lancer/stopper un appareil ou fermer les stores, recevoir des notifications des capteurs et alarmes. Côté multimédia, le Matter Casting propose de projeter du contenu d’une appli vers sa TV (Prime Video, côté Amazon), ou de recevoir des notifications d’un robot ou d’un lave-vaisselle. Mais la plupart de ces outils avancés ne sont pas encore utilisables dans le commerce.

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© CSA

Certaines nouveautés sont prometteuses, notamment côté énergie : le suivi de la consommation ou de la production en temps réel pourra bientôt piloter des routines (charger son véhicule uniquement aux heures creuses, par exemple). Mais là encore, c’est la vitesse d’implémentation réelle qui décidera de l’utilité dans la vie de tous les jours.

Pour faire la jonction entre les différents mondes domotiques, certains fabricants misent sur la mise à jour de leurs hubs (Philips Hue, Aqara, SwitchBot, etc.). En rendant la passerelle Matter-compatible, ils transforment en quelque sorte vos anciens appareils en citoyens du nouveau standard, sans nécessiter de tout racheter. Mais pour que tout fonctionne, il faut parfois changer aussi de matériel côté pont ou contrôleur.

À la différence des hubs classiques, le protocole Thread, exploité par Matter, permet à chaque appareil d’agir comme un mini-routeur maillé. On gagne ainsi en portée et en fiabilité, et l’échange des données se fait de manière chiffrée, de bout en bout, sans que les intermédiaires ne puissent lire les paquets.

Concrètement, pour utiliser Matter, il faut :

  • Un contrôleur Matter (souvent déjà présent dans les enceintes, écrans, routeurs domotiques des grandes marques).
  • Une appli domotique compatible, selon la plateforme choisie (Google Home, Apple Home, Alexa…).
  • Un réseau local : Matter s’appuie sur le réseau Wi-Fi ou Thread, la plupart des smartphones actuels permettent d’ajouter des appareils.
  • Un routeur de bordure Thread pour l’expérience optimale : il permet de relier le réseau Thread de vos objets à l’ensemble du réseau domestique. D’ailleurs, beaucoup d’appareils (enceintes Echo 4e gen, HomePod, Nest Hub, Apple TV 4K, routeurs Google ou Samsung SmartThings…) sont à la fois contrôleurs et routeurs de bordure. Il n’est donc pas toujours nécessaire d’ajouter du hardware.
Apple Matter
© Apple

Les dernières versions du protocole simplifient le jumelage : un seul QR code pour plusieurs objets, support NFC (le téléphone posé sur l’objet fait le reste), affichage direct des conditions d’utilisation sans passer par une application supplémentaire.

Et la sécurité dans tout ça ?

Comme tout système connecté, la question de la confidentialité inquiète. Matter prévoit une sécurité élevée. CSA a publié une charte publique pour encadrer la sécurité, la validation des appareils par PKI et la blockchain, et ainsi limiter les risques d’intrusion et de piratage.

Détail important : Matter privilégie la gestion locale : la commande va du téléphone ou de l’assistant à l’objet sans transiter obligatoirement par le cloud d’un service externe. Cela offre plus de confidentialité, moins de dépendance à la connexion internet, et une sécurité renforcée en cas d’attaques sur les serveurs tiers.

Quelles sont les limites de Matter ?

Même si le discours promet une compatibilité universelle, les grands fournisseurs d’écosystèmes (Amazon, Apple, Google…) restent un brin frileux à laisser la concurrence accéder à toutes les fonctions avancées de leurs produits. Résultat, certains réglages et options demeurent réservés à l’appli native : on pourra allumer une prise via n’importe quel assistant, mais il faudra souvent repasser par l’app d’origine pour les paramétrages les plus pointus.

Matter
© CSA

Autre point : signer la charte Matter n’oblige pas un constructeur à tout implémenter. Certains objets ne gèrent que le minimum requis, quitte à laisser des fonctions clés sur le bord de la route.

Quoi qu’il en soit, Matter est pour l’instant la tentative la plus ambitieuse pour donner un vrai langage commun à la maison connectée, casser les silos de marques et rendre enfin la domotique accessible et simple, pour toute la famille et sans prise de tête technique. Sa force : un socle open source, une alliance large d’acteurs, et une gestion locale des interactions. Sa faiblesse : la réalité des mises à jour, la prudence des géants du secteur et, parfois, l’attentisme des fabricants.

S’assurer que vos prochains appareils connectés sont bien compatibles avec Matter vous permettra donc d’anticiper sur la compatibilité futur, avec l’espoir que demain, on pourra définir sa routine domotique sans se demander si la prise, l’ampoule ou l’enceinte vont bien s’entendre.

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