la cyberguerre, théâtre d’affrontement majeur avec l’Occident

la cyberguerre, théâtre d’affrontement majeur avec l’Occident


ARTE – MERCREDI 12 OCTOBRE À 00 H 25 – DOCUMENTAIRE

C’est un théâtre de l’affrontement désormais assumé entre la Chine et l’Occident, au même titre que le seraient les airs, la mer et la terre en cas de guerre ouverte. Le cyber est l’espace d’un conflit qui se joue pour l’heure encore relativement à bas bruit, mais un domaine dans lequel Pékin a progressé à une vitesse qui prend de court ses adversaires.

Partie avec un retard technologique considérable sur les Etats-Unis et l’Europe, la République populaire de Chine (RPC) a aujourd’hui des capacités de hacking lui permettant de se procurer des télégrammes diplomatiques sensibles de l’Union européenne, et a été, avec Huawei, le premier acteur sur le déploiement de la 5G.

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C’est cette montée en puissance technologique et ses artisans qu’explorent les journalistes Thomas Lafarge et Rémi Labed dans Les Nouveaux Soldats de la Chine. Au départ, constatent-ils, il y a le nationalisme chinois, exacerbé par les événements du tournant du siècle : le 7 mai 1999, des bombes américaines tombent sur l’ambassade chinoise à Belgrade, ce qui donne lieu à une vague de manifestations en Chine. Deux ans plus tard, le 1er avril 2001, un jet d’interception chinois entre en collision avec un avion de reconnaissance américain au large de l’île de Hainan, laissant un pilote chinois mort.

Siphonner les technologies

Les nouveaux geeks chinois se joignent à la ferveur antiaméricaine pour commencer à attaquer les sites des Etats-Unis. « Accomplir une grande tâche, avec peu d’efforts, par des manœuvres astucieuses », tel est leur mantra selon « Eagle », l’un des parrains du hacking chinois.

Ces groupes de hackeurs servent les intérêts de Pékin à l’étranger mais leur virulence les rend difficiles à contrôler pour le pouvoir, qui doit aussi manier la diplomatie, à l’heure où le pays se voit ouvrir les portes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en décembre 2001, et joue le jeu de l’intégration au système international. Les premiers hackeurs sont désavoués. Certains se tournent vers les affaires privées, d’autres vont, au contraire, être intégrés à une nouvelle stratégie, étatique cette fois, qui s’organise pour siphonner les technologies étrangères face à la nécessité de combler le retard en savoir-faire.

C’est là une grande distinction avec les cyberopérations des Etats-Unis, qui conservent la plus importante capacité d’interception de la planète. Avec une interprétation très large de ce qui relève de la sécurité nationale, la Chine ne sépare pas espionnage traditionnel, cyberopérations et rattrapage économique. Un phénomène qui n’a fait que s’accentuer depuis les dix années au pouvoir de Xi Jinping, qui promet de faire du pays « LA » puissance de premier plan avant l’horizon 2049, pour le centenaire de la RPC. Et s’apprête à se faire reconduire à la tête du pays lors du 20ᵉ congrès du Parti communiste chinois, à partir du dimanche 16 octobre.

Milliers de télégrammes volés

En Allemagne, un groupe de hackeurs chinois attaque des géants comme Bayer, Henkel, BASF. Dans les institutions européennes, il parvient à voler, entre 2015 et 2018, des milliers de télégrammes issus du système de messagerie diplomatique entre Etats membres et institutions, exploitant les faiblesses des serveurs internes du ministère des affaires étrangères de Chypre.

Le rattrapage de la Chine lui permet de faire émerger de nouveaux acteurs, dont le pionnier de la 5G Huawei, devenu la bête noire de Washington

Les deux journalistes remontent de manière inédite le fil de cette opération grâce au nom de code des hackeurs et parviennent à une société chinoise qui recherche justement des traducteurs en langues étrangères. L’Europe, de son côté, se garde bien d’attribuer ces attaques – un accord des Vingt-Sept serait nécessaire pour une telle accusation relevant de la politique étrangère.

Le rattrapage de la Chine lui permet de faire émerger de nouveaux acteurs, dont le pionnier de la 5G Huawei, devenu la bête noire de Washington. Son actionnariat est opaque, mais de toute façon, qu’une entreprise chinoise soit privée ou publique, elle doit avant tout entretenir avec l’Etat-parti une relation de soumission zélée. C’est le risque qu’il y a à laisser une telle puissance autoritaire contrôler une partie des réseaux de télécommunications pour les décennies à venir, ainsi que le soulignent les deux auteurs du documentaire.

Les Nouveaux Soldats de la Chine, documentaire de Thomas Lafarge et Rémi Labed (Fr., 2021, 93 min). Disponible sur Arte.tv jusqu’au 7 février 2023.



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