la sortie d’une version inachevée du jeu éclaire d’un jour nouveau son développement calamiteux

la sortie d’une version inachevée du jeu éclaire d’un jour nouveau son développement calamiteux


Une image extraite de la bande-annonce de « Duke Nukem Forever » présentée en 2001.

Cela a longtemps été le plus grand mythe du jeu vidéo, son monstre du Loch Ness : Duke Nukem Forever, annoncé en 1997, dévoilé en grande pompe dans une vidéo réjouissante en 2001, est finalement sorti en 2011 après moult rebondissements et changements de développeurs, pour un résultat jugé extrêmement décevant.

Il faut dire qu’après quatorze ans d’attente (un record devenu avec les années un objet de moquerie), les joueurs étaient en droit d’espérer davantage de la suite du mythique Duke Nukem 3D (1996) qu’un « défouloir » parfois tout juste « sympathique », mais aussi, selon le test du Monde à l’époque, « sexiste », « frustrant », « répétitif », perclus de bugs et de moments « trop longs, trop linéaires, et rapidement lassants ».

Relire notre test de l’époque : Duke Nukem Forever, le rendez-vous manqué

Aussi, avec les années, les joueurs se sont mis à rêver de la version entraperçue en 2001, celle dévoilée à la presse et aux internautes dans une bande-annonce rythmée. Et si le « vrai » Duke Nukem Forever était celui-là ?

Depuis le 10 mai, le rêve est fini : il est désormais possible de jouer à la version de 2001… et de constater par soi-même que, en réalité, Duke Nukem Forever n’a jamais été autre chose qu’un terrible naufrage. Il ne s’agit toutefois pas d’une sortie officielle, mais d’un « leak », une fuite rendue possible par quelqu’un ayant eu accès à cette version inachevée : un certain x0r_jmp, qui a mis à disposition sur le forum 4chan un lien permettant de télécharger illégalement ce Duke Nukem Forever cuvée 2001.

Nul besoin de frauder pour prendre conscience de l’étendue des dégâts : sur Twitch, YouTube ou Twitter, les internautes n’ont pas tardé à mettre en ligne des séquences de jeu, témoignant qu’en fait rien n’était prêt dans cette version de 2001, en dehors de longs couloirs vides et de courts passages à la mise en scène millimétrée qui ont servi à monter la bande-annonce de 2001. Tout juste un prototype, au final assez proche dans ses intentions de la version de 2011.

Il n’y avait jamais rien eu à perfectionner, puisqu’il n’y a jamais véritablement eu de jeu

Si cette fuite, en plus d’être par définition illégale, ne présente strictement aucun intérêt ludique, elle constitue néanmoins un document historique précieux, qui bat en brèche ce qui était jusqu’ici le récit officiel de son développement : si Duke Nukem Forever a mis tant de temps à sortir, ce serait parce que ses créateurs, trop perfectionnistes, étaient incapables d’y mettre la touche finale. En réalité, il n’y avait jamais rien eu à perfectionner, puisqu’il n’y a jamais véritablement eu de jeu.

Linge sale et noms d’oiseaux

Cette mise à disposition illégale d’une version de travail de Duke Nukem Forever aura eu un autre mérite : celui de permettre de mieux comprendre les raisons de ce ratage, à l’occasion d’un déballage un peu pathétique.

Scott Miller, à l’époque propriétaire de 3D Realms, le studio responsable jusqu’en 2009 du développement de Duke Nukem Forever, s’est ainsi fendu sur son blog d’une note explicative à propos de cette fuite – dont il assure ne pas connaître l’auteur. Reconnaissant que « la brillante bande-annonce de 2001 survendait ce qui était vraiment jouable » à ce stade du développement, il juge que l’échec de Duke Nukem Forever est notamment imputable à l’absence totale de feuille de route pendant son développement.

Il dit surtout que le refus, en interne, de le suivre quand il a, en 2004, l’idée de confier le développement à un autre studio (Digital Extremes, qui a connu entretemps le succès avec Warframe), a entraîné le studio dans un « puits sans fond » de dépenses qui aura fini par « détruire 3D Realms », studio depuis devenu une coquille vide rachetée en 2014 par un fonds d’investissement danois.

George Broussard qualifie Scott Miller de « paumé narcissique » dont les actions auraient mené « à la perte des marques “3D Realms” et “Duke Nukem” »

S’il n’est pas nommément désigné comme auteur de ce refus et responsable de la fin de 3D Realms, George Broussard, ancien employé du studio et cocréateur de “Duke Nukem, l’a visiblement pris pour lui. Sur Twitter, il qualifie ainsi Scott Miller de « paumé narcissique » dont les actions auraient mené « à la perte des marques “3D Realms” et Duke Nukem” ».

« J’aurais tellement à dire à son sujet – je le connais depuis les années 1970 et le lycée. Il saisit la moindre occasion pour se présenter sous un jour favorable, quitte à jeter en pâture un ex-ami et partenaire commercial. »

Triste épilogue pour une série qui fut, en 1996, avec l’épisode Duke Nukem 3D, l’un des jeux les plus excitants du moment, avant que son nom ne devienne synonyme de « vaporware », ce genre de « logiciels fantômes » dont tout le monde parle mais qui semblent ne jamais devoir sortir.

Un titre bien peu honorifique, qu’il a dû abandonner en 2011 quand sa piteuse version commerciale a finalement vu le jour, mais qu’a fait depuis sien un autre jeu, français, lui : dévoilé en 2008, visiblement abandonné, puis ressuscité en 2016 avant de disparaître de nouveau des radars quand son créateur, Michel Ancel, a été poussé vers la sortie par le studio Ubisoft en 2020, Beyond Good & Evil 2 est devenu, à son corps défendant, le nouveau Duke Nukem Forever.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Michel Ancel, créateur de « Rayman », a quitté Ubisoft sur fond d’enquête interne





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